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Quand le look moscovite devient branché


Le designer russe Alexandre Selivanov, fondateur de la marque Codered, dans l'un de ses boutiques, le 3 novembre 2017 à Moscou. (Photo : AFP)

Le style russe n’a peut-être pas toujours une image glamour mais le look de la jeunesse branchée moscovite s’est pourtant fait une place dans l’industrie mondialisée de la mode, des podiums aux grandes marques de prêt-à-porter.

Les consommateurs du monde entier s’arrachent les T-shirts utilisant l’alphabet cyrillique vendus par des chaînes comme Urban Outfitters ou Topman. Et des créateurs comme Gosha Rubchinskiy ou Andreï Artiomov se sont fait un nom en portant le style « post-soviétique » jusqu’aux Fashion weeks de Paris, Londres ou New York.

Ce style prisé de la jeunesse hipster allie T-shirts imprimés, écharpes de football, jeans retroussés et marques sportswear. Il puise ses origines dans la culture « gopnik », un terme du type « racaille », qui désigne la jeunesse populaire et désoeuvrée en survêtement et pull à capuche apparue après la chute de l’URSS en 1991, aujourd’hui revisitée par les créateurs branchés de la capitale russe.

Pendant des années après la dissolution de l’Union soviétique, les Russes étaient des « étudiants » en termes de mode et leurs goûts copiaient ceux des Occidentaux, estime Ilia Oskolkov-Tsentsiper, fondateur de l’Institut Strelka, à la fois cabinet d’urbanisme, centre de formation et centre culturel en vogue du coeur de Moscou.

« Mais peu à peu, le consommateur est devenu plus sophistiqué. Il a voyagé, ce qui lui a donné un meilleur accès à l’information, aux photos, aux vêtements, etc, et on a alors vu l’émergence d’un style urbain russe », dit-il.

Il cite l’exemple de Gosha Rubchinskiy, créateur moscovite de 33 ans qui explore le style des classes populaires avec sa « glorification du voyou de banlieue ».

Selon M. Oskolkov-Tsentsiper, la tendance est alimentée par un intérêt grandissant porté à la Russie en raison de sa place dans l’actualité ces dernières années, de l’annexion de la Crimée aux accusations d’ingérence dans l’élection américaine.

Cynisme et ironie

Sergueï Pakhotine, le fondateur de la marque Sputnik 1985, pense aussi que le climat politique a joué un rôle dans la résurgence de la mode russe en Occident.

Sa boutique, bien que cachée dans une arrière-cour du centre de Moscou, attire beaucoup de visiteurs étrangers ayant entendu parler de la marque sur internet.

Les vêtements de Sputnik 1985 associent l’imagerie soviétique à une certaine ironie bien que, dans le magasin, peu de clients aient connu l’URSS et que leur âge moyen ne dépasse pas les 25 ans.

Vendu 1.500 roubles (22 euros), un T-shirt représente des ballerines du « Lac des cygnes » et le nombre 1991, une référence à ce ballet diffusé à la télévision pendant le putsch d’août 1991 avant son annonce officielle, devenu symbole de mauvaise nouvelle.

Sergueï Pakhotine, né dans l’ouest du Bélarus quelques mois avant la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, qui a particulièrement touché cette région, s’amuse aussi à placer de nombreux symboles de la radioactivité sur ses créations. « Peut-être que les radiations ont eu un effet sur moi et peut-être que ça a affecté Sputnik », sourit-il.

Ilia Oskolkov-Tsentsiper y voit un « certain type russe de cynisme, d’ironie ou d’humour » que « des gens qui n’ont pas forcément grandi en Russie peuvent comprendre ».

« Plus de style qu’en Europe »

Devant la très branchée boutique-restaurant-bar moscovite Denis Simachev, où un T-shirt représentant l’oligarque et milliardaire Roman Abramovitch est vendu plus de 70 euros, Jenia Popova, une cliente, est catégorique: les Moscovites ont aujourd’hui « plus de style » que les jeunes Européens.

Au sein de la jeunesse privilégiée du centre-ville de Moscou, « on a arrêté de ne porter qu’une seule marque et de penser: +Si je porte du Chanel, c’est vraiment cool+ », explique cette femme de 32 ans. Les jeunes branchés « ont commencé à s’habiller dans un style plus contemporain, à faire des mélanges, à combiner des vêtements du marché de masse avec des pièces de créateurs. »

Pour autant, Alexandre Selivanov, le fondateur de la marque Code Red, estime que le style occidental conserve plus d’influence sur la Russie que l’inverse.

Les créateurs locaux sont devenus importants à l’étranger en s’alliant avec des marques occidentales, explique-t-il, citant la collection conçue par Gosha Rubchinskiy avec la marque japonaise Comme des Garçons.

« Grâce à Rubchinksiy, l’Occident a commencé à avoir de l’intérêt pour ce qui se fait ici », dit M. Selivanov. « Et pendant qu’ils (les Occidentaux) regardent, il faut en profiter pour avancer très vite et nouer des contacts ».

Le Quotidien / AFP

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