Paru initialement en 1973, Marilyn, ombre et lumière de Norman Rosten reparaît en VF.
New York, un jour de 1955. Le photographe Sam Shaw se promène, la pluie commence à tomber. Il appelle son ami Norman Rosten, poète et écrivain de son état, et lui demande s’il peut venir se mettre à l’abri chez lui. On pourra discuter, prendre un café aussi, suggère-t-il. Il ajoute ne pas être seul, il est avec une jeune fille. Pour Rosten, pas de problème, pas de doute : il doit s’agir d’un de ses modèles. Quand Shaw et la jeune fille arrivent chez l’ami, dégoulinants de pluie, Rosten remarque immédiatement qu’elle porte un manteau en poils de chameau. Ses cheveux sont coupés court; elle ne porte pas le moindre maquillage. Impossible de la reconnaître, d’autant que lorsque le photographe la présente à Rosten et à sa femme Hedda, ces derniers comprennent : «Marion»… Laquelle s’assied, feuillette le recueil signé Norman Rosten posé sur la table basse. Hedda se tourne vers la jeune fille, lui pose deux, trois questions…
C’est tout, c’est le début d’une amitié entre Norman Rosten et Marilyn Monroe. Paru initialement en 1973, Marilyn, ombre et lumière reparaît en VF en ce cœur de printemps. Norman Mailer, qui fut un des maris de Marilyn Monroe, a écrit : «Le livre de Rosten offre le portrait le plus tendre qui existe sur Marilyn. Un récit aussi beau qu’intime.» Le récit d’une amitié entre la belle et le poète. On lit : «Elle aimait le côté sombre et mystérieux qu’il y a dans un bon poème. Et quelque part au fond d’elle-même, elle ressentait une vérité primordiale : que la poésie est liée à la mort.» En cette journée pluvieuse, le couple Rosten va vite comprendre sa bévue, que la jeune fille qui, à côté de lui, feuillette Songs for Patricia est tout simplement la vedette de The Seven Year Itch, le film de Billy Wilder qui cartonne au même moment en salles.
Avec Blonde, de Joyce Carol Oates, Norman Rosten écrit le meilleur texte consacré à Marilyn Monroe
Pour l’éditeur français de Marilyn, ombre et lumière, pas le moindre doute : d’emblée, Norman et Hedda Rosten sont séduits par le charme de la jeune femme de 29 ans, et «toute leur relation sera ainsi placée sous le signe du naturel et de la sincérité». Autre précision : les années suivantes, «Rosten a d’autant plus fréquenté Marilyn qu’il était très ami avec son troisième mari, Arthur Miller», écrivain, dramaturge et auteur du scénario de The Misfits (John Huston, 1961).
Dès lors, jusqu’au 4 août 1962, jour de la mort de l’actrice, les Rosten ont entretenu une proximité amicale avec Marilyn Monroe. Dîners, week-ends, vacances entre Manhattan, Brooklyn et Boston, dans le Connecticut ou encore sur les plages de Long Island, là même où le poète a sauvé l’icône blonde de la noyade un jour où des fans se montraient trop présents. «Ce fut la seule fois où j’eus la chance de lui sauver la vie», écrit Rosten. Au fil des pages, il y va de confidences en confidences, mais jamais il ne franchira le seuil de la porte de la chambre de l’actrice, toujours il racontera une Marilyn aussi brillante que désespérée… Ainsi, avec Hedda, le poète voit la divine blonde plonger dans ce qui ressemble à une dépression, à une jeune femme complètement débordée par le tourbillon incessant de la gloire et du succès.
Avec Marilyn, ombre et lumière, Norman Rosten dessine au plus près d’une star, avec un grand nombre d’anecdotes, une pointe d’humour et une bonne dose d’émotion. Et ne manque pas de rappeler combien Marilyn Monroe était habitée par la poésie, jusqu’au titre furieusement prémonitoire de son dernier film, le court métrage réalisé en 1962 par George Cukor, Something’s Got to Give («quelque chose finira bien par craquer»)… Avec Blonde, le livre de Joyce Carol Oates paru en 1999, Marilyn, ombre et lumière demeure le meilleur texte consacré à Marilyn Monroe.