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Les trésors luxembourgeois d’un collectionneur mystère


Le musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg recrée l’intérieur d’un collectionneur du pays qui ne s’intéressait qu’aux productions des artistes nationaux. Bienvenue « chez lui » !

Deux fauteuils, un tapis, quelques meubles anciens, des faïences et une vieille horloge : voilà les rares éléments de décoration, entourés de quatre tapisseries colorées, censées refléter l’évolution esthétique du XXe siècle. Sur les murs, pas moins de 55 peintures et autres dessins, sans oublier les deux sculptures aux courbes douces de Lucien Wercollier. Avec un peu d’imagination, on pourrait se croire dans le salon d’un collectionneur. C’est en tout cas ce que suggère le MHVL avec cette exposition, au titre révélateur : « Le musée chez soi ».

En effet, « sans tomber dans la reconstitution », comme l’explique Guy Thewes, le curateur, qui préfère parler d’ « évocation », le musée propose de plonger dans l’intérieur d’un amateur d’art au Luxembourg, qui, le siècle dernier, s’est constitué un bel assemblage d’œuvres hétérogènes. Cette personne a bien existé : sans que l’on connaisse pour autant son identité, on sait qu’elle était fonctionnaire, qu’elle habitait la région mosellane, qu’elle appartenait à la moyenne bourgeoisie, et enfin, qu’elle est morte en 1990. Et, bien sûr, qu’elle avait un faible pour les productions nationales.

« Plus historique qu’artistique »

C’est justement le fils qui, l’année dernière, a vendu la collection du géniteur au MHVL, grâce notamment au don régulier des Amis des musées (pour le quart). Rien de très prestigieux, toutefois, parmi cette cinquantaine de pièces acquises, d’une valeur totale de 200 000 euros, malgré deux Kutter et deux Trémont – avec les Wercollier, « ils ont coûté la moitié de la somme », précise-t-on du côté de la direction. D’où, aussi, l’idée de reconstituer cette ambiance du « chez soi ».

« Ces œuvres ont habité l’environnement naturel pour lequel elles avaient été conçues », explique-t-on au musée, qui, pour le coup, a abandonné les cartels explicatifs et les murs blancs de circonstance.

Une réunion, en tout cas, qui est représentative à plus d’un égard. D’abord, elle met en avant la singularité du Luxembourg. Celle caractéristique d’un petit pays où il est possible à un particulier de constituer un compendium de l’art « national » du XXe. Essayez donc de faire la même chose en France, et même aujourd’hui au Grand-Duché, comme le suggère Guy Thewes. « La production moderne est devenue très chère. Désormais, l’art est un objet de spéculation. »

À l’époque, moins. Ainsi, notre mystérieux collectionneur allait « se fournir », quand ce n’était pas chez un antiquaire-galeriste ou lors d’une vente publique, directement dans l’atelier de l’artiste ou chez la famille de ce dernier. C’est ainsi que l’on apprend que l’artiste Jean Curot – dont trois dessins et peintures sont visibles dans l’exposition – était son beau-père, ou qu’un François Gillen était un copain d’école. Tout le charme et l’exotisme de l’étroitesse d’un territoire…

Ensuite, et surtout, cet ensemble reflète l’évolution de l’art au Luxembourg depuis le tournant du siècle jusqu’à la fin des années 1960, à travers ses trois courants majeurs : l’impressionnisme, l’expressionnisme et l’abstrait. Dans un accrochage un peu chaotique, calqué sur « l’inventaire listé par le fils », on traverse les années, débutant avec des toiles de Frantz Seimetz et encore de Jean-Pierre Beckius, datant d’avant la Première Guerre mondiale.

S’en suit l’après, avec la révolution « sécessionniste » de jeunes artistes formés à Munich, explorant sans retenue les voies hétérogènes de la modernité (Nico Klopp, Joseph Kutter, Jean Schaack, Jean Noerdinger, Auguste Trémont, etc.). Puis arrive la peinture abstraite avec les « Iconomaques », tenants du non-figuratif (Michel Stoffel, Joseph Probst, François Gillen, Théo Kerg, etc.). Bref, un panel – « plus historique qu’artistique » – qui aurait toutefois pu être plus complet avec la présence d’autres noms aussi évocateurs (Robert Brandy, Harry Rabinger, etc.).

Grégory Cimatti

A découvrir au Musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg, jusqu’au 3 janvier 2016.

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