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Les rodéos sauvages à moto, éternel « défi à l’autorité »


Depuis 2018, en France, une loi renforce la lutte contre les rodéos motorisés, désormais passibles d'un an de prison et 15 000 euros d'amende. (capture écran YouTube/L’Acrobate)

Le confinement ne l’a pas stoppé au contraire : phénomène répandu malgré son illégalité, les rodéos à moto demeurent un casse-tête pour les forces de l’ordre, qui tentent de juguler un « fléau » à haut risque.

Sans casque et en marcel, un jeune s’élance dans une rue en pente du Chêne Pointu, quartier déshérité de Clichy-sous-Bois (France). En quelques coups d’accélérateur, la bécane se cabre sur sa roue arrière (wheeling), et le pilote, bravache, réalise son acrobatie, genou sur le siège et main dans le vide. « C’est notre occupation, histoire de passer le temps », reconnaît Ryan, 17 ans, qui pratique dans un quartier d’Argenteuil sur des motos d’amis. Ce qu’il aime ? « La sensation, l’adrénaline, savoir qui va faire la meilleure roue », égrène ce mineur, qui en fait parfois « sur la route », parfois « dans les champs ».

La pratique se rapproche du « stunt », discipline motorisée composée de figures spectaculaires, née aux États-Unis dans les années 1980. Le « cross » a ses propres idoles sur les réseaux sociaux, à l’image de « l’Acrobate », originaire du Val-de-Marne, parfois déguisé en Pikachu ou Donald Trump et dont les cabrioles suscitent des millions de vues.

Mais il n’y a pas qu’au pied des grands ensembles de la petite couronne parisienne que des motos non homologuées vrombissent. Entre mi-mars et mi-mai, la gendarmerie de Seine-et-Marne a reçu 174 appels de particuliers se plaignant de rodéos à proximité de chez eux, plus du double de l’année précédente. « Depuis le début du déconfinement, cette pratique semble encore se développer », alertait vendredi le préfet de ce département, Thierry Coudert. Et ce, « au détriment de la sécurité de ceux qui s’y livrent comme de tous les usagers de la voie publique ».

Depuis 2018, une loi renforce pourtant la lutte contre les rodéos motorisés, désormais passibles d’un an de prison et 15 000 euros d’amende. La méthode de répression a toutefois évolué depuis les émeutes de 2007 à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), à la suite du décès de deux adolescents à moto, entrés en collision avec une voiture de police.

Désormais, la consigne est claire : la police ne « fait jamais de prise en chasse », affirme Patrick Longuet, chef de la division nord de la police marseillaise. « C’est la vie des effectifs, des habitants et de ceux qui sont sur les motos qui est en jeu. On ne va pas faire les malins avec ça. » Un policier a été accidentellement blessé mi-mai en voulant intercepter une trentaine de deux-roues lancés dans un rodéo improvisé sur le périphérique parisien. Des scénarios similaires se sont produits à Mulhouse comme dans la banlieue lyonnaise.

« Des instruments de collecte de stupéfiants »

A contrario de nombreux jeunes motards reprochent aux forces de l’ordre de les mettre en danger. « Je faisais de la moto mais j’ai arrêté, j’ai été cartonné. C’est la police qui m’a percuté à l’arrière (de la moto) pour m’arrêter », assure Madian, 18 ans, habitant du Val-d’Oise, qui s’en est tiré avec « une entorse ». « La plupart sont des mineurs, déjà connus de nos services », observe la direction départementale de la sécurité publique du Puy-de-Dôme, qui rencontre cette problématique « avec des deux roues, type mini-motos, scooters » dans certains quartiers de Clermont-Ferrand.

Les rodéos sauvages « sont aussi un défi à l’autorité et un signe d’appropriation du territoire par les voyous », explique le commissaire Longuet à Marseille, rappelant que ces engins sont souvent « des instruments de collecte de stupéfiants », utilisés « pour ravitailler les points de vente ». Des opérations de surveillance sont nécessaires pour repérer où sont garées les motos, souvent « volées ou achetées en commun ». En pratique, « les équipages font une filature discrète, on attend qu’ils se posent, pour se passer la moto par exemple, et on tape », ajoute-t-il.

Dans l’agglomération du Havre, une cellule dédiée à la lutte contre les rodéos urbains a été créée en 2018. Elle fonctionne de mi-avril à fin septembre, la saison des rodéos. Les signalements sont possibles par e-mail. « Au lieu de courir après les motards, ce qui représente une mise en danger pour tout le monde, on judiciarise » en saisissant la moto grâce aux renseignements, explique le commissaire Olivier Beauchamp, pointant un « vrai fléau » pour les riverains. Cette méthode s’est traduite par « une nette baisse des rodéos » avec 50 motos saisies en 2019, comptabilise-t-il, et 60 dossiers entre les mains de la justice.

Le nombre de procédures « a augmenté de manière significative au cours des dernières semaines », soutient de son côté le parquet de Lyon. Sur sept personnes déférées depuis début mai, « trois peines fermes d’emprisonnement » ont déjà été prononcées. Malgré ces efforts, les nerfs des riverains restent à vifs : une pétition lancée par un collectif d’habitants lyonnais s’agace des nuisances sonores qui « s’aggravent » chaque année et d’une situation qui « génère stress, anxiété, insomnies, pollution ».

AFP/LQ

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