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Le roman honni des nazis revisité par un cinéaste allemand


Brûlé lors des autodafés nazis, À l’Ouest, rien de nouveau, roman pacifiste sur la Première Guerre mondiale, est pour la première fois adapté au cinéma en Allemagne.

La version 2022 du roman À l’Ouest, rien de nouveau est sortie hier dans une sélection de salles allemandes. Au Luxembourg et ailleurs dans le monde, il faudra attendre le 28 octobre, date à laquelle Im Westen nichts Neues sera visible sur Netflix. «Je voulais traiter le roman d’un point de vue nouveau, celui d’un réalisateur allemand», explique ce dernier, Edward Berger.

Sorti en 1929, le livre d’Erich Maria Remarque, pourchassé dès 1930 par les nazis et exilé en Suisse, puis aux États-Unis, avait été adapté dès 1930 par l’Américain Lewis Milestone. Cette première version avait alors obtenu deux Oscars : celui du meilleur film et celui du meilleur réalisateur. Mais en Allemagne, il avait été rapidement interdit et le roman brûlé, en 1933, par les nazis, qui l’accusaient de «trahir les soldats» et rejetaient son pacifisme. Le film d’Edward Berger vient d’être sélectionné par les Allemands pour les représenter aux Oscars dans la catégorie meilleur film international.

La presse allemande lui a pourtant réservé un accueil mitigé. Si l’hebdomadaire Der Spiegel était plutôt élogieux, le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung n’a pas aimé. «En Allemagne, on ne reconnaît pas cent ans après la différence entre un bon et un mauvais film de guerre», écrit-il, regrettant une mise en scène boursouflée.

«Honte, deuil et culpabilité»

Plus d’un siècle après le conflit, Edward Berger voulait insister sur «la perspective des vaincus». La signature de l’armistice et les conditions très dures qui furent imposées aux Allemands ont nourri la propagande nazie pour justifier le nationalisme et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Dans le roman de Remarque, tout le conflit est vu à travers les yeux d’un jeune soldat allemand, Paul Bäumer, engagé volontaire sur le front Ouest qui prend conscience dans les tranchées de l’absurdité de la guerre et du bourrage de crâne patriotique dont il a été victime.

Im Westen nichts Neues, version Edward Berger, introduit une dimension historique supplémentaire : on voit le social-démocrate Matthias Erzberger, chef de la délégation allemande, négocier puis signer la reddition de son pays et l’armistice, le 11 novembre 1918, à Compiègne avec le maréchal français Foch. «Mon film se démarque aussi des films américains ou britanniques faits du point de vue des vainqueurs», ajoute le cinéaste. «En Allemagne, il y a toujours ce sentiment de honte, de deuil et de culpabilité. C’était important pour moi d’apporter ce point de vue.»

Tordre le cou au nationalisme

Contacté pour adapter le roman, Berger a été poussé à réaliser ce projet par sa fille de 16 ans qui venait d’étudier ce classique à l’école, comme plusieurs générations de lycéens allemands. Quand il a commencé à tourner il y a deux ans et demi, il a été également motivé par l’envie de tordre le cou au nationalisme de plus en plus présent en Occident. «Il y avait le Brexit, Trump, Orban, il y avait beaucoup d’électeurs en Europe qui votaient pour l’extrême droite. Des institutions comme l’UE, qui nous ont garanti la paix pendant 70 ans, étaient remises en question par des démagogues à coup de propagande et manipulation», décrit-il. En faisant un film qui montre précisément à quoi conduisent ces manipulations, le réalisateur, qui n’a pas voulu commenter la guerre en Ukraine, voit aussi cela comme une mise en garde.

Dans le livre comme dans le film, l’histoire se finit mal pour Paul Bäumer. Quelques jours avant la fin de la guerre, il tue un soldat français. Pendant l’agonie de ce dernier, Bäumer, coincé avec lui dans un trou d’obus en plein milieu des combats, réalise combien cet ennemi est un être humain proche de lui. En fouillant dans la poche de l’uniforme du Français, Bäumer découvre une photo de son épouse et de sa petite fille et s’en veut d’avoir fait une veuve et une orpheline.

Questionné sur les perspectives d’Oscar de son film, Berger souligne que «le chemin est encore long». En décembre, l’Academy of Motion Pictures Arts and Sciences publie une première sélection de quinze films, dont seuls cinq seront en lice pour la compétition finale.

Im Westen nichts Neues, d’Edward Berger. Le 28 octobre sur Netflix.

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