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« Le Luxembourg, terre promise des Portugais »


"Nous sommes un peuple métis et ce métissage nous amène à vouloir garder les racines au niveau de la langue", explique José Antonio Coimbra, le président de la communauté portugaise. (photo archives LQ)

L’Agence France-Presse publie ce mercredi un article sur la communauté lusitanienne du Grand-Duché, écrit par notre confrère Pierre Sorlut et intitulé « Le Luxembourg, terre promise des Portugais », que nous reproduisons ci-dessous.

« L’intégration au Luxembourg? Très bien. Pas seulement bien. Très bien », vante Aires Lopes, le patron du restaurant « Le Welcome », référence de la gastronomie portugaise à Esch-sur-Alzette, au sud du Grand-Duché.

Peu de gens savent qu’un résident sur cinq au Luxembourg est d’origine lusitanienne. Et pourtant: « Dans le monde, c’est certainement la plus forte proportion de Portugais par rapport à la population autochtone », témoigne José Antonio Coimbra de Matos, président sortant de la Confédération de la communauté portugaise au Luxembourg (CCPL).

L’institut national de la statistique recense 96.800 Portugais dans un Luxembourg de 590.700 habitants. « Selon les chiffres du consulat, nous sommes 120.000 », corrige ce représentant de la première communauté étrangère du Grand-Duché, loin devant les Français (44.300).

Les Portugais ayant acquis la double nationalité figurent officiellement parmi les Luxembourgeois, comme s’il s’agissait de valider le modèle d’une intégration opérée depuis les années 1960.

Appuyé derrière la tireuse à bière portugaise Super Bock, allure débonnaire et regard pétillant, Monsieur Lopes décrète qu’il ne « quittera jamais le Luxembourg ». « J’ai des affaires, j’ai des avoirs. Tout ce que j’ai, c’est ici », explique ce septuagénaire arrivé en 1975 pour travailler dans la construction, avant de se lancer dans la restauration.

Le « mythe du retour »

De nombreux Portugais ont quitté un Portugal en crise pour trouver un emploi dans le prospère Grand-Duché. Avant la « Révolution des Oeillets » (avril 1974), le Portugal de Marcelo Caetano, successeur de l’autocrate Salazar, organisait même l’émigration alors que l’économie nationale s’essoufflait.

Et à 2.000 km plus au nord, le Luxembourg a tendu les bras à cette manne de travailleurs qui pouvaient soutenir son développement économique, notamment la construction.

Il a été facile pour ces émigrés « blancs, catholiques et réputés travailleurs » de s’intégrer au Luxembourg, relève José Correia, rédacteur en chef de l’hebdomadaire lusophone Contacto.

Si le travail constitue la motivation première du grand départ, le retour est « un mythe »: il n’intervient que rarement, relève José Correia.

« Tout le monde dit la même chose: « Dès que je serai en retraite, je me taille », mais ce n’est pas vrai », confie Paolo Oliveira, employé de la boucherie Brill à Esch. Cette enseigne luxembourgeoise arbore les couleurs du drapeau portugais. Créée en 1986, à l’époque où le Portugal rejoignait la Communauté économique européenne (CEE), l’entreprise a réparti ses boutiques dans les bassins de population d’origine portugaise.

« À la retraite, j’en profiterai, avec des voyages au Portugal plus longs, mais je ne quitterai pas le Luxembourg », assure le boucher pour qui le froid luxembourgeois reste le principal « ennemi ».

Esprit festif

Dans la région de Larochette, une bourgade de 2.150 âmes coincée entre les massifs rocheux et boisés du centre du pays, les habitants, pour moitié portugais, sont venus là pour travailler dans le textile ou à la carrière.

À leur arrivée dans les années 1960, ils ont rénové les vieilles demeures le long de la rivière Ernz Blanche, se mêlant aux autres communautés, notamment la luxembourgeoise.

« Ceux de ma génération ont quasiment tous pris la nationalité luxembourgeoise », remarque Myriam. Cette aide-soignante habite Larochette depuis l’enfance et, comme les autochtones, parle le luxembourgeois, l’allemand et le français, les trois langues officielles du Grand-Duché. Ce sont ses parents qui lui ont appris le portugais.

Aujourd’hui, les Portugais de Larochette se retrouvent régulièrement sur la grand-place. Les Luxembourgeois apprécient leur esprit festif (mais pas leurs coups de klaxon tardifs, qui les irritent parfois…)

L’adjointe au maire Natalie Silva narre la récente double célébration: le sacre du Benfica, le grand club lisboète, et celui à l’Eurovision du chanteur représentant le Portugal. « Portugais et Luxembourgeois ont fait la fête ensemble. Idem, l’année dernière, quand le Portugal a gagné la coupe d’Europe », relève l’élue originaire du Cap-Vert, une ancienne colonie portugaise.

« Peuple métis »

Si certains, comme le journaliste José Corréia évoquent une tendance des Portugais « à rester entre eux », Mme Silva ne voit « pas de problème » de communautarisme.

Ils tiennent en tout cas résolument à leur langue maternelle. « Nous sommes un peuple métis et ce métissage nous amène à vouloir garder les racines au niveau de la langue », explique José Antonio Coimbra, le président de la communauté portugaise.

La difficile préservation de leur langue semble être le seul bémol dans l’intégration des Portugais au Luxembourg, où les autorités politiques mettent de plus en plus en avant le luxembourgeois face à une immigration croissante.

Le Grand-Duché et Lisbonne se sont toutefois récemment entendus pour élargir l’apprentissage du portugais dans l’enseignement.

Au-delà des différences linguistiques, il est un fait qui transcende les deux nations: la ferveur de la pratique catholique, affirme Liliana, une habitante de Larochette. Cette femme active dans une association religieuse raconte les messes de communion célébrées à la fois en luxembourgeois, français et portugais. « La croyance n’a ni nationalité ni langue », dit-elle. « C’est une façon de s’intégrer ».

AFP

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