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«Le cinéma n’échappe pas à la règle»


Pour lée directeur artistique du LuxFilmFest, «l'impact (de la situation) ne sera pas limité à cette année. (Photo / Editpress)

Le 10e anniversaire se termine de bien triste manière : l’annulation du LuxFilmFest a pris effet vendredi, trois jours avant sa clôture. Son directeur artistique, Alexis Juncosa, fait part de ses inquiétudes pour la suite.

On ne peut qu’avoir des pensées très fraternelles pour toutes les institutions culturelles et les lieux de culture qui vont souffrir des annonces…». Alexis Juncosa ne cache pas son inquiétude quant à l’avenir de la vie culturelle luxembourgeoise mais aussi internationale, car les annulations de manifestations et les fermetures de lieux culturels dues à la situation actuelle touchent progressivement de nombreux pays. Joint vendredi par téléphone, au milieu de la déferlante d’annonces de fermeture d’institutions culturelles et alors qu’il est en pleine «logique de sécurisation des lieux et des personnes», le directeur artistique du LuxFilmFest a répondu à nos questions après l’arrêt anticipé du festival.

La menace d’un imprévu dû au problème du coronavirus planait déjà sur le festival avant même son ouverture. Étiez-vous préparé à cette éventualité?
Alexis Juncosa : On s’attendait à en arriver là. La stratégie qui a été adoptée était de nous en remettre à l’expertise des autorités de santé, que l’on a contactées en amont du festival, puis quotidiennement, afin de connaître le risque encouru et leurs préconisations. On a mis en place et respecté très strictement toutes les consignes d’information, conformément aux recommandations du ministère.

À quel point cette annulation aura-elle un impact sur le festival et sa fréquentation?
Il y avait des évènements majeurs et des avant-premières qui auraient dû avoir lieu lors des trois derniers jours, donc il y aura une inflexion très, très sévère. Le festival, en tout cas, a fait de très belles salles, beaucoup de salles complètes. Sur le démarrage, les gens ont vraiment embrassé le festival. C’est sûr que dans ces derniers jours, on a senti un fléchissement, particulièrement à certaines séances qui étaient aussi plus en marge, ce qui est normal, bien évidemment.

Réfléchissez-vous déjà à une solution pour montrer les films qui n’auront pas été projetés?
C’est absolument impossible, pour une raison assez simple : les films vont être, pour certains, décalés à l’automne, et pour ceux qui restent maintenus, ils auront profité de leur exploitation commerciale, ce qui signifie que le festival n’aurait aucun intérêt à montrer des films qui ont déjà profité d’une sortie en salle. Ce serait ridicule. Nous n’avons aucune possibilité de reporter parce que nous ne sommes pas un festival patrimonial : nous montrons des films contemporains et de manière exclusive. Il n’y aurait donc aucun sens à refaire un festival plus tard, en été par exemple.
Je pensais plus particulièrement à certains films qui ne bénéficieront pas d’une sortie en salle et pour lesquels le LuxFilmFest était le seul lieu où ils allaient pouvoir être vus…
Le problème, c’est qu’en dépendant de l’évolution de la situation, on n’a aucune visibilité, donc c’est impossible à planifier. Quand les choses se seront stabilisées, à ce moment-là, on pourrait essayer quelque chose… Mais chaque film est l’objet d’une négociation avec un ayant-droit et on n’a aucune garantie que ceux-ci seraient d’accord pour repartir sur une formule à une période qui est, de toute façon, indéfinie actuellement.

Toute l’industrie culturelle va pâtir de cette situation, en particulier le cinéma…
On voit les grands évènements majeurs tomber les uns après les autres, et l’impact ne sera pas limité à cette année. Sur les grands marchés internationaux, les producteurs ne se rencontrent pas, les agents non plus, idem pour les distributeurs, donc toute la chaîne est interrompue, et on parle là de développement sur deux ans pour un film. Les annulations d’évènement à partir de maintenant et dans les semaines à venir auront un impact réel et significatif sur les deux prochaines années.

En allant dans ce sens, ou en envisageant le pire, peut-on imaginer l’installation provisoire de marchés du film en ligne, à travers les plateformes professionnelles?
C’est une industrie avec des gens brillants, extrêmement réactifs et qui vont se montrer, j’en suis certain, très vifs. Mais même avec toute la créativité du monde, on ne pourra pas faire de miracles. Il y aura des tournages annulés, et pour ça, il n’y a pas de solutions. Sur les marchés aussi : le travail se passe beaucoup sur des espaces informels, c’est-à-dire que les opportunités se font sur le terrain, et cela n’aura pas lieu. Si on se donne rendez-vous en visioconférence, c’est bien que les gens sont convoqués à l’avance, mais l’essentiel de la chose est la rencontre et l’opportunité fortuite. On peut se montrer créatif pour essayer de sauver un minimum les choses, mais on ne pourra pas rattraper le désastre industriel que cela va être, et le cinéma n’échappera pas à la règle qui va frapper l’Horeca, l’industrie, le service et le milieu de la finance. C’est quelque chose que l’on va subir au même titre que les autres. Mais il n’est pas réaliste de penser que des solutions digitales vont remplacer ce qui se passe dans un marché où les gens ont certes des rendez-vous, mais aussi beaucoup de propositions spontanées.

Valentin Maniglia

Un palmarès pour sauver le festival
À l’instant où nous l’avons au téléphone, Alexis Juncosa, avec les équipes du festival, était «en train d’organiser le départ des invités», qui s’est étalé «sur toute la journée». L’une des multiples interrogations soulevées par l’annulation du LuxFilmFest était de savoir si le palmarès allait être maintenu, le jury international, présidé par Marjane Satrapi, ayant quitté le Grand-Duché vendredi matin. Mais «festival et jurés sont tous d’accord sur la nécessité de faire le maximum pour que l’un des films soit primé», nous a fait savoir vendredi après-midi un communiqué du LuxFilmFest, et ce, bien que «le jury international (n’ait) malheureusement eu la possibilité de considérer que la moitié des œuvres». Le festival va donc essayer, ces prochains jours, «d’obtenir des liens de visionnage et», pour le jury, «de délibérer de manière digitale». Le palmarès de cette édition écourtée du festival sera ainsi annoncé jeudi prochain, le 19 mars, en fin d’après-midi.
Des cinémas fermés jusqu’à fin mars
Joint par téléphone vendredi matin, le cinéma Kinepolis Kirchberg était toujours «dans le vague», selon un représentant. «On est toujours en attente d’informations, qui, espérons-le, arriveront au plus vite. Une chose est sûre : des décisions seront prises.» Peu après 13 h, la confirmation est arrivée : tous les cinémas Kinepolis seront fermés jusqu’au 31 mars inclus, à l’instar de la décision prise, quelques heures plus tôt pour les salles du groupe situées en Belgique. Un peu plus tard, ce sont les salles du réseau CDAC qui annonçaient à leur tour la suspension de leurs projections. Selon l’hebdomadaire des professionnels du cinéma Le Film français, les salles françaises du groupe Kinepolis ne ferment pas, mais les accès aux salles et leur fréquentation seront limités.

 

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