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L’art de la provocation selon Gilbert & George


Depuis cinquante ans, le duo se met en scène, d'abord sous forme de "sculptures vivantes" puis dans des photographies retravaillées. (photo AFP)

Porter la barbe ? « Certainement pas ! », s’écrient Gilbert & George. Mise en scène impeccable, les Dupont et Dupond de l’art contemporain, coutumiers des provocations sur le sexe et la religion, jouent avec cet attribut masculin dans leur dernière exposition.

« Nous voulions être les artistes dont nos mères n’ont pas honte », explique George lors d’un passage du duo à Paris, avant la Foire internationale d’art contemporain (Fiac) et le lancement de leur nouvelle exposition The Beard Pictures dans six grandes villes (New York, Londres, Paris, Bruxelles, Naples et Athènes), entre octobre et mars. Si les deux septuagénaires, vêtus d’un sempiternel costume-cravate, respirent une élégance toute britannique (bien que Gilbert soit d’origine italienne), leur œuvre est aux antipodes.

© lehman-maupin

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Depuis cinquante ans, ils se mettent en scène, d’abord sous forme de « sculptures vivantes » puis dans des photographies retravaillées où ils apparaissent parfois nus, en costumes aux couleurs du drapeau britannique, à côtés d’étrons, de petites annonces gay ou de plaques de rue… Le tout magnifié par des couleurs vives souvent sursaturées, pour renforcer leur message et leur goût du paradoxe. L’idée est d’être « provocateur dans le bon sens du terme » et d’adresser un message au public, là où de nombreux artistes contemporains privilégient « la forme », expliquent-ils.

« L’art centré sur l’humain »

Leur credo : non pas « l’art pour l’art », mais « l’art centré sur l’humain ». Pour leurs « Beard pictures » exposées à la galerie Thaddaeus Ropac à Pantin, au nord de Paris, les deux hommes arborent des barbes faites de grillage, de feuillages, emprisonnant des têtes d’hommes ou d’animaux. Leurs visages sont rouges, les yeux souvent cernés, le tout sur fond de barbelés (« barbed wire » en anglais). « Nous nous sommes rendus compte que la question de la barbe dépendait de l’endroit où l’on vit et de l’époque. Quand nous étions adolescents, il aurait été impossible de trouver un emploi en portant une barbe », se souvient George.

« La plus célèbre barbe de l’histoire est celle de Jésus-Christ », lancent-ils en chœur, soulignant le lien qui existe, selon eux, entre barbe et religions que les deux hommes, conservateurs sur le plan politique mais libéraux sur les sujets de société, ne cessent de dénoncer. « Pour nous, il faut interdire la religion et décriminaliser le sexe », dit George, le plus grand des deux. Il évoque le sort de ceux « qui sont emprisonnés ou attendent d’être exécutés » pour vouloir mener leur vie comme ils l’entendent, sans parler ouvertement d’homosexualité.

« Deux individus mais un seul artiste »

Inséparables depuis 50 ans, les artistes se sont rencontrés en 1967 à la Saint Martin’s School of Arts, et vivent depuis dans le même appartement dans l’ancien quartier ouvrier de Spitalfields, dans l’est de Londres. Interrogés sur leurs méthodes de travail, ils confessent arriver dans leur studio, chaque matin, « les mains vides » mais connaître parfaitement les pensées de l’autre. Comme s’ils n’étaient qu’un : « nous sommes deux individus, mais un seul artiste ». « Il y a des artistes qui collaborent, pas nous », insiste George. « Absolument », renchérit Gilbert, avec son léger accent italien.

Pour continuer à faire vivre leur art, Gilbert & George ont un projet de fondation tout près de leur domicile et ont fait l’acquisition d’une maison. Elle pourrait voir le jour dans deux ans et exposera uniquement leur travail avant de peut-être s’ouvrir à d’autres. L’ambition est des plus simples : « être immortels », souligne Gilbert. Taquin, George parle lui plutôt d’ « immoralité ».

Le Quotidien/AFP

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