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La France va restituer un Klimt issu d’une spoliation en 1938


La ministre française de la Culture, Roselyne Bachelot, posant devant le tableau "Rosiers sous les arbres" (1905) du peintre autrichien Gustav Klimt. (photo AFP)

La France va restituer à une famille juive un tableau de Gustav Klimt dont elle avait été spoliée en 1938 en Autriche, au terme de recherches qui ont permis de retracer une histoire sciemment dissimulée.

Rosiers sous les arbres du maître autrichien, peint vers 1904-1905, sera rendu à la famille de Nora Stiasny, une victime de l’Holocauste, a annoncé lundi la ministre de la Culture française, Roselyne Bachelot.

« En plein accord avec le Premier ministre et le président de la République, nous allons lancer la procédure de restitution (…) à ses propriétaires légitimes, les ayants droit de Nora Stiasny », a-t-elle expliqué lors d’une conférence de presse à son ministère. « Pour moi la restitution des biens juifs spoliés est une ardente obligation. (…) C’est l’honneur de la République que de faire cela. L’honneur de la France », a-t-elle affirmé.

L’ouverture récente d’archives en Autriche et le travail d’historiens ont permis de retracer précisément l’origine de ce tableau, longtemps cachée par ceux qui ont effacé toute trace de cette affaire.

Vente forcée 

La toile est achetée en 1911 par le collectionneur juif autrichien Viktor Zuckerkandl, sous le nom de Roses (Rosen en allemand). Elle en portera d’autres : Pommiers avec des roses et Paysages.

Elle appartient à sa nièce Nora au moment de l’Anschluss, en mars 1938, quand les nazis s’installent au pouvoir. En août de la même année, cette femme de 40 ans, persécutée en tant que juive, ruinée par « l’aryanisation des biens », doit se plier à une vente forcée pour une somme dérisoire, six à cinquante fois inférieure à sa valeur en fonction des témoignages et des estimations.

Le « personnage clé » de cette spoliation est l’artiste Philipp Häusler, qui avait eu une relation avec Nora Stiasny lors de leur jeunesse, et qui avait adhéré au parti nazi en Allemagne dès 1933. Elle meurt en 1942, avec son mari et son fils, en Pologne, au ghetto d’Izbica ou au camp de Belzec. Lui sera assez habile après guerre pour faire croire à sa bonne foi.

En 1980, la France acquiert à son tour Rosiers sous les arbres auprès d’une galerie d’art suisse, pour qu’il rejoigne le futur musée d’Orsay à Paris, consacré à la période 1848-1914. À cette époque, rien ne laisse penser à une spoliation.

« Pas un crève-cœur »

« La décision que nous avons prise est évidemment difficile. Elle revient à faire sortir des collections nationales un chef-d’œuvre qui est en outre la seule peinture de Gustav Klimt dont la France était propriétaire », a souligné la ministre. Mais « ce n’est pas un crève-cœur pour moi, bien au contraire ». « La reconstitution du parcours de cette œuvre jusqu’à son acquisition (…) a été particulièrement ardue, en raison de la destruction des preuves et de l’érosion de la mémoire familiale », a-t-elle souligné.

En 2018, l’ambassadeur d’Autriche à Paris avait signalé ces découvertes au musée. La famille avait fait la demande de restitution en 2019, qui doit aboutir bientôt. Le tableau est pour le moment inaliénable en vertu de la loi, puisqu’il appartient aux collections nationales. Mais « le gouvernement présentera dès que possible un projet de loi destiné à autoriser la sortie de cette oeuvre », a précisé la ministre.

Cette restitution prochaine est « pour la famille l’équivalent d’un miracle », a déclaré l’experte autrichienne Ruth Pleyer. « C’est un geste incomparable. »

Les ayants droit sont les descendants de la sœur de Nora Stiasny, Hermine Müller-Hofmann, qui avait pu échapper à l’Holocauste en Bavière.

AFP/LQ

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