C’est avec quelques appréhensions que Jean-Marc Mahy revient au Luxembourg pour présenter son spectacle « Un homme debout ». Un spectacle-témoignage bouleversant sur la prison et la délinquance.
C’est l’histoire d’un gamin paumé, qui va se laisser entraîner dans un coup qui va mal tourner. C’est l’histoire d’une descente aux enfers dans l’univers carcéral belge et luxembourgeois, qui va durer 19 ans. Cette histoire, c’est celle de Jean-Marc Mahy. Mercredi pour les scolaires et jeudi pour tous, c’est la première fois que le spectacle est joué au Luxembourg.
Un homme debout n’est pas une simple pièce de théâtre, mais une véritable expérience humaine, qui nous plonge dans les confins de l’horreur et de l’enfer. L’horreur des crimes commis et racontés par Jean-Marc Mahy, mais aussi l’horreur de cette descente vers des abysses sans fond, la délinquance et la prison. Cela fait maintenant plus de cinq ans qu’il a écrit ce spectacle, en collaboration avec le metteur en scène Jean-Michel Van den Eeyden, et ce sont plus de 270 représentations qu’il a données.
Un homme debout, c’est son histoire, celle d’un gamin déchiré par une rupture familiale, dont le destin va basculer en un battement d’aile. De la petite délinquance à la tragédie, il n’y a eu qu’un pas, qui l’a propulsé au fond du trou. Par deux fois la mort, sans l’intention de la donner, fut au rendez-vous et, à 17 ans, sa destinée est faite. Ce sera la prison à perpétuité, dont trois ans en isolement à Schrassig au Luxembourg.
Après 19 ans d’incarcération et 10 ans de liberté conditionnelle, Jean-Marc Mahy est enfin libre et il a décidé de dédier sa nouvelle vie à la prévention auprès des jeunes. «C’est lors de mon isolement à Schrassig que j’ai eu le déclic. Ils ont essayé de me détruire, j’ai choisi de devenir un homme debout, de prendre ma vie en main, de ne pas me laisser aspirer par les tréfonds dans lesquels je gisais», raconte Jean-Marc Mahy. Ainsi, après sa sortie et son diplôme d’éducateur gradué en poche, il a commencé à aller à la rencontre des jeunes, de ceux qui, comme lui, pourraient déraper pour les mauvaises raisons.
«La prison, ce n’est pas Prison Break ou Orange Is the New Black»
Le spectacle est né en 2010, à la fois pour exorciser le traumatisme et pour partager son expérience. «Le corps a une mémoire incroyable et pas seulement psychologique. Après l’intervention d’un artiste plasticien dans une prison, je n’arrivais pas à aller au bout et entrer de nouveau en cellule. C’est comme ça que Jean-Michel Van den Eeyden m’a dit : « Si tu ne peux pas retourner dans une cellule, tu vas la dessiner et la recréer. » On a commencé rapidement à enregistrer mon histoire, j’avais 680 minutes de film et il me restait encore 10 ans à raconter !», ajoute Mahy.
De ces nombreuses minutes de témoignage, ils en retiendront seulement 90, que Jean-Marc Mahy déclame, seul en scène, dans ce carré noir délimité par des bandes blanches, permettant d’imaginer un instant les conditions de détention.
Ce spectacle, il l’a créé au départ pour les jeunes, de tous horizons, pour les faire réfléchir sur leur vision du monde carcéral mais aussi pour leur montrer que personne n’est à l’abri, que tout peut basculer, d’une seconde à l’autre. «La prison, ce n’est pas Prison Break ou Orange Is the New Black (NDLR : deux séries télévisées américaines). Ce n’est pas cool d’aller en prison, le caïd n’existe pas, même le film d’Audiard, Un prophète, est une mauvaise image que l’on donne des relations en prison», ajoute-t-il.
Au vu du succès et de l’impact qu’elle a eu sur des milliers de jeunes Belges, le ministère de la Culture a reconnu la pièce d’utilité publique. Un homme debout est d’une honnêteté rare, d’une justesse incroyable, qui ne laisse pas indifférent. C’est l’histoire d’un homme qu’on a voulu rendre fou en l’enterrant plus bas que terre, en le privant de tout. L’histoire d’un homme qui, au fond du trou, a pris son destin en main pour retrouver la communauté des vivants.
De notre collaboratrice, Mylène Carrière