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[Exposition] Les dieux du stade ont rendez-vous à Luxembourg


(Illustration : Editpress))

Stades «cathédrales», joueurs adulés et fans fidèles… Le musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg dresse un parallèle entre le football et la religion. Car c’est un fait : de la pelouse à l’autel, il n’y a qu’une foulée.

Le football, sport le plus populaire au monde, est-il devenu une religion du XXIe siècle? Avec ses idoles, ses chants, ses valeurs d’universalité, ses stades «cathédrales» accueillant le rite dominical, ses joueurs «déifiés» et ses supporters convertis à un club, la question est loin d’être cliché. Une exposition itinérante, déjà passée par Amsterdam, Bâle, Brême et Lyon, propose un parcours pédagogique dans lequel sont présentés des vidéos, des photographies et des objets qui ont marqué l’histoire du ballon rond.

Si «Football Hallelujah!» est discret sur l’épisode, l’image reste marquante. Le 30 juin 2002, jour de la finale et de la victoire du Brésil au mondial asiatique, Edmilson, joueur auriverde, dévoile un tee-shirt où il est écrit «Jesus loves you», puis s’agenouille dans le rond central pour prier avec ses coéquipiers. Le tout sous le regard de milliards de téléspectateurs et celui, bienveillant, de l’assistant spirituel de l’équipe… «Chaque joueur chrétien qui joue dans une équipe est un missionnaire de Jésus. Il peut porter la parole et toucher des gens plus qu’un pasteur ne peut le faire», se justifiera-t-il ensuite pour commenter son geste.

Pour ceux qui en doutaient encore, le football est bien plus qu’une simple passion : il est devenu une dévotion moderne, voire une religion contemporaine. Beaucoup d’éléments témoignent dans ce sens, ce que relève justement l’exposition au MHVL – coproduite par un réseau européen de musées d’histoire urbaine – où la dévotion à l’égard du ballon rond est disséquée à travers ses idoles, ses rites, ses supporters et ses valeurs. Comme pour toute croyance, elle a ses saints (comme San Marco, surnom de Van Basten au Milan) et ses prophètes (Johan Cruyff, dit «El Salvador», ou les joueurs de l’Espagne, représentés dans des vitraux par Michael Allocca).

L’Église «maradonienne»

Les plus dévots avancent même qu’un jour de juin 1986, Dieu serait descendu sur terre pour désigner son pape : l’Argentin Diego Maradona (représenté d’ailleurs sur l’affiche de l’exposition, les mains jointes et implorant le ciel) qui, d’un vicieux coup de patte – après une chorégraphie magistrale – vengeait tout un pays du Royaume-Uni, après la raclée subie à la guerre des Malouines. Le commentateur de l’époque, au bord de l’apoplexie, louait alors le Seigneur d’avoir donné à sa nation un tel génie, rappelant au passage que, dans les reportages sportifs, il est souvent question d’admiration et de sauveurs.

C’est pourtant à Naples que la ferveur pour «D10S» – mot-valise formé de la fusion du numéro de Maradona (10) et «Dios» – au point de lui consacrer un autel de prières (une idée d’un certain Carmine Alcide), dont la maquette est visible à Luxembourg, et même un mouvement religieux (l’Église «maradonienne», qui compte entre 80 000 et 100 000 adeptes dans le monde!). Ailleurs, on se tourne vers Dieu en priant la Mecque depuis les vestiaires ou en cherchant l’aide d’un esprit malin, surtout en Afrique avec ses marabouts et autres envoûteurs (comme au Togo et sa science du vaudou).

Les supporters, fidèles, sont également mis en relief dans l’exposition. Les slogans sur leurs écharpes, leurs rituels et les bannières brandies lors des matches contiennent, en effet, des symboles religieux, comme cette banderole, en croix, affirmant «Our religion», brandie par les fans de l’Ajax. Au cœur des stades immenses, espaces clos dont l’éclairage calculé, au rayonnement quasi mystique, en fait de véritables «cathédrales» sportives, les chants et les chœurs scandés résonnent comme nulle part ailleurs, sauf peut-être dans une église, l’orgue en moins.

Audioguide, quiz et tirs au but

Ainsi, à travers une quinzaine de modules thématiques, le visiteur se balade accompagné d’un audioguide permettant d’écouter des commentaires et de s’amuser à travers des quiz. L’exposition invite même le public à camper le rôle d’un gardien de but dans un petit jeu vidéo ludique. Ici, il découvre la rivalité entre certains clubs – un designer allemand a trouvé la solution à ces querelles intestines en créant des maillots-patchworks composés de couleurs des deux clubs «ennemis», comme le Celtic et les Rangers, de Glasgow.

Là, à travers un merchandising hétérogène et poussé – une dérive mercantile qui peut se rapprocher de celle de la chrétienté –, il apprend qu’on peut être supporter du berceau à la tombe : à la naissance, on porte un body du Borussia Dortmund, on brûle un cierge pour sa communion au Schalke 04, on se marie sur la pelouse de Montevideo et on fait disperser ses cendres sur la pelouse d’Anfield Road (stade de Liverpool) ou on est mis en boîte dans un cercueil spécialement conçu par le FC Twente pour ses fans, avec dessus, un emprunt au célèbre chant des «Reds», You’ll Never Walk Alone…

Enfin, l’exposition n’oublie pas non plus que, comme dans la religion, il n’est pas question uniquement de tolérance, d’esprit d’équipe et d’universalité, mais aussi parfois de violence et de conflits. Bref, dans son approche didactique, «Football Hallelujah!» tient largement la route, et plaira à un large public. Manquent, toutefois, quelques élans artistiques, trop rares, malheureusement. Les sympathiques collages et photos d’André Robé, ou le baby-foot baroque de Federico Arnaud (El juego de los milagros) auraient été du plus bel effet.

Grégory Cimatti

Musée d’Histoire de la Ville – Luxembourg.

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