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[Exposition] Huang Yong Ping et le gigantisme


Ce sont 316 vertèbres et 268 côtes en fonte d'aluminium qui ont été nécessaires pour créer le gigantesque serpent de Huang Yong Ping. (Photo : AFP)

Désormais biennale, l’exposition d’art contemporain du Grand Palais de Paris, «Monumenta», présente Empires, le travail de l’artiste chinois Huang Yong Ping. Évidemment monumental !

Un squelette de serpent de 250m de long qui s’étire sur des centaines de conteneurs, un bicorne géant de Napoléon: l’artiste chinois Huang Yong Ping a créé pour l’exposition «Monumenta», à Paris, une œuvre en accord avec la gigantesque nef du Grand Palais.

Jamais sans doute le nom de cette manifestation, qui a déjà accueilli, entre autres, Anish Kapoor, Richard Serra ou Anselm Kiefer, n’a été aussi justifié. Installé en France depuis 1989, Huang Yong Ping est un artiste de la démesure, dont plusieurs créations ont fait date : colonnes transperçant le toit du pavillon français à la biennale de Venise (1999), arche de Noé grandeur nature à la Chapelle des Beaux-Arts à Paris (2009), ou plus récemment (2012), Serpent d’océan, énorme squelette de métal échoué près du port de Saint-Nazaire (ouest). Autant dire qu’avec l’espace sous la verrière du Grand Palais, l’artiste, né en 1954, était à son affaire.

Huang Yong Ping signe avec Empires (jusqu’au 18 juin) une spectaculaire représentation symbolique de la deuxième révolution industrielle, dont l’un des marqueurs les plus évidents est, avec internet, le commerce international tous azimuts. Dès l’entrée, le visiteur fait face à une «falaise» de conteneurs de toutes les couleurs, empilés sur sept niveaux – six est le maximum utilisé dans les ports – et propriété de grands affréteurs mondiaux. «Huang Yong Ping veut mettre en évidence un phénomène très puissant, face auquel l’homme est peu de choses», explique le commissaire de l’exposition, Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo. «Mais il ne porte pas de jugement moral, ajoute-t-il. Pour lui, c’est un phénomène naturel comme la tectonique des plaques ou le mouvement d’un volcan.»

Mille tonnes au sol

Les conteneurs – 305 en tout – sont répartis en huit îlots, «reliés» entre eux par le squelette en métal du serpent, que l’on découvre soudain au détour d’une allée, surplombant les empilements à 23 m de haut ou se glissant entre eux jusqu’au sol. Un tour de force que d’assembler ces 316 vertèbres et 268 côtes en fonte d’aluminium développées par quatre bureaux d’études et fabriquées par quatre usines en France, la tête étant réalisée en Chine. La partie centrale de l’animal est maintenue en l’air par un portique de levage identique à ceux utilisés pour déplacer les conteneurs, mais dont la hauteur d’intervention a été spécialement portée à 10 m.

À deux pas du portique, un énorme bicorne de Napoléon posé sur deux colonnes de conteneurs, formant comme un arc de triomphe. «Avec le symbole de l’ancien empereur, personnage très clivant, Ping confronte la géopolitique à la géoéconomie», note Jean de Loisy. «Il le fait dans un bâtiment (…) construit, comme son voisin, le Petit Palais, pour manifester la puissance de l’Empire français», souligne-t-il.

Pour l’artiste chinois, «il y a différents niveaux» de compréhension de l’œuvre, qu’il avait conçue bien avant «Monumenta» – la maquette était même prête. Elle «concerne l’histoire, l’art et la philosophie aussi», a-t-il détaillé, interrogé sur le chantier, qui a présenté de grandes difficultés techniques avec un poids total de 1 000 tonnes au sol.

Les symboles sont partout : chaînes d’assemblage, jeu de go et mutation économique pour le serpent (qui change régulièrement de peau), mosaïque du mahjong pour les conteneurs dont Huang Yong Ping a choisi chaque couleur. Recouvert de bitume, qui imite étonnamment le velours, le bicorne de Napoléon n’a pas été choisi au hasard : c’est l’exacte réplique de celui que portait l’empereur à la bataille d’Eylau (février 1807), une des plus meurtrières de son épopée (25 000 morts). «Très affecté par le carnage, Napoléon aurait dit : « Cette boucherie passerait l’envie à tous les princes de la terre de faire la guerre »», rappelle Jean de Loisy.

Jusqu’au 18 juin.

www.grandpalais.fr

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