Avec ses peintures «en mouvement» et ses œuvres à toucher, Tapiézo étonne. A découvrir jusqu’à dimanche au Domaine thermal.
C’est un sympathique sexagénaire, nœud papillon, léger accent et sourire joyeux, qui s’est posé, l’espace d’une vingtaine de jours, au Domaine thermal de Mondorf. Non, Tapiézo ne fait pas les choses comme tout le monde. Avec lui, la peinture – s’appuyant sur une technique mêlant sable, colle, acier et pigments naturels de Roussillon-en-Provence – se met en mouvement à la lumière. Ses sculptures, elles, s’offrent aux mains du public. Singulier, un peu comme le parcours de l’artiste.
Dès l’âge de 11 ans, à la suite d’un concours artistique scolaire organisé sur huit départements français, voilà qu’il décroche la timbale avec son singe aux airs évoquant le «Marsupilami» de Franquin. «Ça m’a véritablement porté», dit-il. Ainsi, parmi les «mille cadeaux» de ce premier prix, il décroche une entrée permanente aux Beaux-Arts de Dijon. Une expérience «formatrice». «J’entrais dans tous les ateliers, j’étais le petit chouchou. Et je pouvais même dessiner des nus !» (il rit).
S’ensuit alors une reconnaissance «chanceuse» pour le garçon du Roussillon, perdu entretemps entre «différents métiers», d’inventeur à observateur aérien de bouchons… C’est alors, au début des années 90, que la peinture l’a «rattrapé par le col». Il obtient le Grand Prix du Mérite artistique européen à Bruxelles et celui, un peu plus tard, de la Fondation de France. «Je me suis retrouvé à décorer trois gares parisiennes, perché sur un camion-grue à installer des œuvres de 4 mètres sur 2,40.» Selon lui, en France, seul Dali a eu cette opportunité à Perpignan…
Un travail qui parle au cœur, pas à la tête
C’est que son style propre, à base de pigments du Luberon (tiré du fameux massif des ocres), plaît et fascine. «C’est le dernier site d’extraction en Europe», explique-t-il. Il leur rend ainsi leur «noblesse» d’origine en les mélangeant à de la colle – «de peau de lapin ou de poisson». Ses matières sur toile, garnies de «symboles universels, connus depuis la nuits des temps» – portes, Colisée, hiéroglyphes – et encore de pièces électroniques, ne cessent de se transformer selon l’angle de vue et la lumière de l’instant. «De nouvelles subtilités apparaissent. Et l’œuvre s’enrichit au fil des jours, des mois, des années», précise-t-il, reconnaissant être «bluffé lui-même».
Cette connexion spontanée avec le spectateur – «par le cœur, et non par le mental» – est complétée par l’autorisation du toucher. Des totems à quatre faces plantés sur des tiges d’acier sont nés spécialement pour être orientés et tourner tout à la guise du public. Tapiézo, pour qui le sens du «partage» n’est pas vain, va même jusqu’à notifier par message écrit sur l’œuvre l’autorisation d’y poser ses doigts. Idem pour ses sphères lumineuses, inspirées de l’univers d’Antoine de Saint-Exupéry.
Son aventure luxembourgeoise, elle, a débuté grâce à trois clientes du Grand-Duché, «en amour devant mon travail». Il raconte, tout fier : «L’une d’entre elles m’a demandé de réaliser une exposition personnelle, chez elle, le temps d’une soirée.» Et comme la générosité des gens du Sud n’est plus à prouver, Tapiézo enchaîne les kilomètres et se pose trois jours au pays, pour «trois heures d’exposition». Un bref séjour qu’il lui a permis d’ «agrandir sa famille» et de «pérenniser» son réseau, ce qui l’a amené à Mondorf. Alors, heureux ? «J’ai déjà vendu une dizaine de pièces, et les gens me disent qu’ils n’avaient jamais vu ça auparavant, saluant la douceur et l’imagination de mon travail. C’est plutôt pas mal, non ?» Ce n’est pas demain que son sourire le quittera.
Grégory Cimatti
Site internet de l’artiste : tapiezo.com