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« Dreams have a language » : Sylvie Blocher de retour au Mudam


Le film, résultat d'une installation audacieuse, défend un art qui se «confronte au monde». (Photo Mudam)

Sylvie Blocher, invitée du Mudam en 2015 et qui y présentera son film, résultat d’une installation audacieuse, défend un art qui se «confronte au monde».

Encore mal connue en France mais plébiscitée à l’étranger – comme au Luxembourg, où elle a «squatté» le Mudam durant six longs mois – la plasticienne Sylvie Blocher, qui expose pour la première fois dans sa ville de Saint-Denis, revendique un art impur, qui se «coltine le monde» et sa barbarie. Pour avoir un jour critiqué la position «autoritaire» de Daniel Buren, Sylvie Blocher, qui n’a pas fait les Beaux-Arts et ne connaissait «rien à l’art contemporain», raconte avoir vu les portes des institutions culturelles se fermer les unes après les autres.

Même si elle n’était «pas la bienvenue» en France, les vidéos décalées de cette Alsacienne, née en 1953 dans une famille où l’on n’osait pas entrer dans les musées, ont été montrées aux quatre coins du monde, de Sydney à San Francisco en passant par Buenos Aires ou, une fois encore, le Grand-Duché. Grâce à Sylvie Gonzalez, la directrice du musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis, le public français peut enfin se faire une idée de son travail.

D’autant que «Les mots qui manquent», exposition qui réunit des œuvres anciennes et deux créations, a été prolongée jusqu’à mi-octobre. Depuis la série des Living Pictures, le travail filmique de Sylvie Blocher repose sur un «matériau humain» : les participants, rencontrés dans le monde entier grâce à des annonces dans les journaux locaux, sont invités à «partager l’autorité de l’artiste». Ça a été le cas au musée du Kirchberg, avec son étonnant projet «Dreams Have a Language», dont le résultat filmique – grâce à l’appui de Donato Rotunno (Tarantula) – sera projeté dans une semaine.

Son but est de «faire entrer dans les musées ceux qui n’y entrent pas et sont, pour la société, inexistants : ni regardés ni entendus». Des paysans chinois, des habitants de Seine-Saint-Denis ou des adolescents d’une favela de São Paulo ont incarné tour à tour ces «invisibles». En exposant à Saint-Denis, la ville où elle s’est installée en 1988, Sylvie Blocher espérait aussi toucher un public peu familier de l’art contemporain.

«Un art qui parle du monde»

De fait, la moitié des visiteurs réguliers du musée habitent la ville : rares sont les Parisiens qui font l’effort de franchir le périphérique. Baskets fluorescentes, Sylvie Blocher n’a qu’à traverser la rue pour se rendre dans cet ancien carmel : sa maison, où elle a aussi son atelier, est située exactement en face du musée. «Je refuse l’art pur. Le principe d’un tel art est de dominer. Moi, je suis pour un art qui se confronte au monde, au social, qui fait la part belle à l’émotion», explique l’artiste qui a fondé le collectif Campement urbain avec son compagnon, l’architecte-urbaniste François Daune.

«Mais un art qui parle du monde est vu en France comme un art mineur», dit Sylvie Blocher. Elle en donne pour exemple la réception houleuse réservée à certaines œuvres de Gustave Courbet, comme Un enterrement à Ornans. États d’urgences, sa nouvelle création visuelle et sonore, peut s’entendre comme un hommage intime aux dessinateurs de Charlie Hebdo tués lors d’une attaque jihadiste en janvier 2015. «Une toute petite contribution», dit l’artiste, à la cause de la liberté.

«J’ai demandé à cinq personnes de porter un texte dangereux. Porter, c’est-à-dire l’apprendre par cœur, pour pouvoir le transmettre». Écrits par la féministe Olympe de Gouges, le poète russe Ossip Mandelstam ou Ananda Bijoy, un blogueur sri-lankais assassiné en 2015, ces cinq textes ont en commun d’avoir entraîné la mort de leurs auteurs. Mais cette féministe revendiquée s’est également amusée à «caviarder» les sentences qui couvrent les murs du carmel.

«Si je plaisais encore aux hommes, je ne serais pas le serviteur du Christ» devient ainsi, après la pose de simples caches blancs masquant certains mots : «Je plais aux hommes.» Une manière pour Sylvie Blocher «d’infiltrer le religieux pour le twister en autre chose», mais aussi d’interroger le «communautarisme dur» qui empoisonne Saint-Denis où, «après 20h, il n’y a plus guère de femmes dans l’espace public». Depuis les attentats qui ont frappé le 13 novembre le Stade de France tout proche, on lui demande souvent ce qu’elle fait encore là. «Mais il est hors de question que je parte ! C’est ma ville et elle a des choses magnifiques, cette ville. Je ne me laisserai pas terroriser.»

Le Quotidien

La première du film de Sylvie Blocher et Donato Rotunno, Dreams Have a Language, aura lieu le 28 septembre au Mudam, à 20h30.

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