Slalomer entre les plaques de glace pour rejoindre l’Alaska en partant du Groenland : à 25 ans, Clara Dumard va tenter de franchir le passage du Nord-Ouest avec son père à bord d’un voilier, sans moteur, une route pouvant devenir plus difficile avec le dérèglement climatique.
A l’été dernier, cette jeune bretonne avait déjà essayé de relier le Groenland au détroit de Béring, sans succès. « Le passage était resté bouché, personne n’est passé », y compris les brise-glaces, explique Clara, étudiante en pharmacie et qui devrait intégrer une école de commerce parisienne.
En cause, le réchauffement climatique, qui ne rend pas le passage plus aisé, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer: « la glace avait tellement fondu au Nord qu’elle a dérivé, d’énormes plaques de glace ont décroché, puis dérivé, et ont bouché les petits chenaux… », relate Clara, en train d’effectuer les ultimes réglages sur le « Happy trip », un monocoque d’une dizaine de mètres.
Sans moteur, sans escale et sans assistance
Mais pas question d’abandonner alors qu’elle souhaite devenir la première à réaliser le passage du Nord-Ouest, sans moteur, sans escale et sans assistance. Un « virus » du grand Nord que lui a légué son père Christian, 57 ans.
Adolescent, alors qu’il vit sur un bateau, il se passionne des récits à la radio du navigateur Willy de Roos (1923-2008), premier plaisancier à avoir passé le passage du Nord-Ouest en 1977. Jeune père, participant à la Coupe de l’America, Christian Dumard promet à sa fille de faire le tour du monde « pôle à pôle ».
Le temps passant, le projet s’enlise jusqu’à ce que Clara, qui retrouve le goût de la voile à l’université, lui demande un jour s’il est prêt à l’accompagner pour franchir le passage du Nord-Ouest. « On a vu ses enfants grandir et puis un jour on se retrouve invité par sa fille ! Les rôles se sont inversés et c’est super », reconnaît-il, ému.
2,5 % de la région cartographiée
Sur ce Sun Fast 37 en fibre de verre, Clara pourra ainsi bénéficier de toute l’expérience de son père, l’un des rares « routeurs » professionnels, qui aide des skippers comme Francis Joyon ou Thomas Coville à prendre les bonnes options en fonction de la météo. Une connaissance des cartes et de la météo d’autant plus appréciable qu’il faudra naviguer « dans l’un des endroits les plus hostiles de la planète », comme le confie Clara, alors qu’à peine 2,5 % de la région est cartographiée, avec la crainte quasi permanente de heurter un morceau de banquise dans un dédale d’îles.
« Lors d’une transatlantique, on peut descendre, se faire un café et ressortir, là c’est impossible ! Il faut être hyper vigilants, on doit avoir le nez sur la cartographie, regarder la glace… » Christian voit tout l’avantage qu’il y a de s’embarquer dans cette aventure avec sa fille. « On a une confiance totale l’un dans l’autre, c’est vraiment important. Car quand on est dans des zones peu cartographiées, avec de la glace, pour bien dormir, il faut avoir confiance en celui qui est sur le pont… »
Après un départ prévu jeudi, le « Happy trip » doit d’abord rejoindre le Groenland, une « simple mise en jambes ». Les choses sérieuses doivent débuter après une halte à Nuuk, la capitale du Groenland, vers le 4 août : le « Happy trip », qui sera équipé d’une boite noire pour homologuer le record, pourrait mettre cinq semaines à rejoindre Nome, première ville canadienne après le détroit de Béring. « Je suis assez optimiste, mais on saura vraiment début août si la situation est meilleure que l’an dernier », explique Christian, rappelant qu’environ 260 bateaux (pétroliers, brise-glace…) ont franchi le passage du Nord-Ouest et vaincu l’Arctique canadien depuis l’explorateur Roald Amundsen en 1905.
LQ/AFP