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De retour en librairie, Michel Houellebecq cartonne déjà


"Sérotonine" constitue un événement de la rentrée littéraire d'hiver en France, mais aussi en Europe, où les ventes vont démarrer la semaine prochaine. (photo AFP)

Michel Houellebecq, « l’enfant terrible » des lettres françaises, est de retour sur les étals des libraires avec un nouveau roman, ‘Sérotonine’, ouvrage sombre et poignant, qui se vend déjà comme des petits pains.

Sur le site Amazon en France, le livre était déjà n°1 des ventes vendredi en milieu d’après-midi. « C’est simple je n’ai vendu que ça depuis ce matin ! », s’exclame la vendeuse d’une librairie parisienne. Même à la librairie des Halles à Niort, ville décrite dans l’ouvrage comme « l’une des plus laides » que l’écrivain ait connues, les lecteurs ont répondu présent : la moitié du stock disponible était déjà vendue à 15h.

L’écrivain français contemporain le plus lu à l’étranger a choisi, selon son éditeur, d’observer « une stricte diète médiatique ». Mais son roman constitue un événement de la rentrée littéraire d’hiver en France, mais aussi en Europe, où les ventes vont démarrer la semaine prochaine. Il sortira en allemand le 7 janvier, en espagnol le 9, en italien le 10 et en anglais en septembre. Flammarion a prévu un tirage exceptionnel de 320 000 exemplaires (le tirage moyen d’un roman en France se situe autour de 5 000). En Allemagne, son éditeur a prévu un tirage tout aussi exceptionnel pour un livre étranger : 80 000 exemplaires. En Espagne la première édition est de 25 000 exemplaires.

Les gilets jaunes avant l’heure

A Paris, Chantal, 67 ans, est venue se procurer l’ouvrage dès l’ouverture . Cela fait « plusieurs jours qu'(elle) attend », disant adorer cet écrivain « pertinent, ancré dans le réel », son côté « nihiliste et sombre ». « Il y a très peu d’auteurs qui ont une vision de la société », dit-elle. A quelques pas de là, Antoine, retraité de 76 ans, se dit au contraire fatigué du tapage médiatique autour de la nouvelle sortie d’un auteur qu’il juge « cynique ». « Je ne le lirai pas, sauf si quelqu’un me convainc… ». Le romancier n’avait rien publié depuis le polémique Soumission, paru il y a quatre ans, le jour même de l’attaque contre Charlie Hebdo. Toutes éditions confondues, cet ouvrage s’est écoulé à près de 800 000 exemplaires dans le monde francophone. En Allemagne, il a dépassé les 520 000 exemplaires.

Le septième roman de Houellebecq, 62 ans, plonge ses lecteurs au cœur de la France rurale et souffrante. Écrit des mois avant l’apparition des gilets jaunes, le roman semble avoir anticipé ce mouvement qu’aucun responsable politique n’avait vu venir. Accusé souvent de cynisme, l’écrivain est plein d’empathie quand il décrit le désespoir d’agriculteurs au bout du rouleau. L’auteur, qui a récemment fait l’éloge du protectionnisme de Donald Trump, tire à boulets rouges sur la politique libérale de l’Union européenne, coupable à ses yeux de tous les maux. Malgré les scènes pornographiques, le roman est éminemment romantique.

Encensé par la presse étrangère

Outre la description d’une impitoyable violence sociale, le cœur du livre nous parle d’une violence intime tout aussi terrible : celle d’un homme égoïste que l’échec de sa vie amoureuse a conduit à la dépression. La presse internationale a été troublée par l’image que Michel Houellebecq donne de la France. L’hebdomadaire allemand Die Zeit affirme avoir longtemps considéré « les convictions anti-libérales du plus grand auteur français du moment » comme un « gadget littéraire ». « Mais maintenant, il faut le prendre au sérieux », estime le journal.

En Italie, où ses romans sont régulièrement en tête des ventes à leur sortie, le Corriere della Sera estime que « le plus grand écrivain français vivant réalise le miracle de mettre sa gêne, son écœurement envers le monde contemporain au service de pages émouvantes ». Le quotidien de droite Il Giornale n’hésite pas à comparer Houellebecq au grand écrivain catholique Georges Bernanos. « Sérotonine est un nouveau chapitre d’une œuvre nécessaire pour comprendre où va le monde… et changer de direction », estime Il Giornale.

L’auteur est « de retour avec un roman qui met en lumière la colère qui couve depuis longtemps dans les provinces françaises », écrit pour sa part The Sunday Times. « L’enfant terrible des lettres françaises » ne fait rien de moins que « prédire le destin tragique de la civilisation occidentale », affirme The Telegraph. Pour le quotidien espagnol El Pais, « une des scènes centrales est le blocage d’une autoroute par des agriculteurs en colère contre Paris (…) et l’Union européenne, ‘grande pute’, selon les mots du narrateur. La protestation se termine par un affrontement sanglant avec la police, comme si le sismographe houellebecquien avait anticipé » les heurts qui ont marqué l’actualité des derniers mois.

LQ/AFP

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