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De Boissieu : réhabilitation du « Rembrandt français » à la Villa Vauban


Portrait de l'auteur (1796), le seul qu'on lui connaisse, où il se représente en artiste savant.

Sa maîtrise du clair-obscur, son attachement à l’école hollandaise et son antiacadémisme lui valurent d’être comparé à Rembrandt : Jean-Jacques de Boissieu (1736-1810) est célébré à la Villa Vauban.

Par certains, il est considéré comme l’un des plus grands graveurs, inspiré des courants de pensée du siècle des Lumières, proche de Voltaire et Jean-Jacques Rousseau. La Villa Vauban réhabilite Jean-Jacques de Boissieu à travers une centaine d’estampes qui font part belle aux paysages età la représentation de l’homme.

Sur le seul autoportrait qu’on lui connaît, qui lance l’exposition, il se pose en « artiste savant et intellectuel, homme de lettres et d’arts », note Stephan Brakensiek, de l’université de Trèves. C’est un fait : Jean-Jacques de Boissieu a su saisir son époque d’un œil délicat, observateur de ses contemporains que n’aurait pas renié le «promeneur» Jean-Jacques Rousseau. Un « personnage exceptionnel » qui, comme en témoigne sa première œuvre, encore maladroite, s’est évertué à se former et à trouver une signature unique tout au long de sa vie, pour finalement devenir, aux yeux de certains, l’un des plus grands graveurs des siècles passés.

De son vivant déjà, l’artiste français jouissait d’une belle estime à travers l’Europe, chez des collectionneurs, des collègues et des membres de la haute noblesse. Né à Lyon, c’est à Paris, sous la protection bienveillante du graveur, éditeur, marchand d’art et homme de réseau Jean-Georges Wille (1715-1808) qu’il va se faire un nom auprès des personnes les plus influentes, en tant qu’habile aquafortiste (NDLR : technique de l’eau forte). Dans ses reproductions, l’artiste se distingue aussi en modifiant partiellement les peintures originales par le retrait ou l’ajout de certains personnages – avec un penchant prononcé pour le clair-obscur.

Allergique aux pigments de couleurs

Mais, en fin observateur du monde qui l’entoure, la capitale française va surtout l’enrichir d’une vaste gamme d’inspirations et de motifs, au même titre que son «Grand Tour» en Italie (1764/65), entrepris en compagnie du duc de La Rochefoucauld. En témoignent de superbes estampes, réalisées… 40 plus tard. Deux «exils», en tout cas, décisifs pour Jean-Jacques de Boissieu, qui s’y forge un style, aussi influencé par les écrits de Voltaire et la peinture hollandaise, en plein «Âge d’or», dont l’aura pouvait difficilement être ignorée.

D’où ce juste réflexe de le comparer à Rembrandt, tout comme lui «avant-gardiste», antiacadémique dans leur façon respective d’aborder des sujets déjà connus dans une dimension inédite : d’abord, leurs regards se posent sur des scènes de la vie quotidienne, s’intéressant à des figures populaires telles que la fileuse, le maître d’école, les paysans… Et quand il s’agit de composer un paysage, c’est toujours dans un souci de véracité, sans dramaturgie, avec un sens aigu pour le caractère sublime (et éphémère) de la nature. On serait à regretter que, contrairement au célèbre peintre néerlandais, Jean-Jacques de Boissieu n’ait pas laissé derrière lui des peintures. Certains le disaient mauvais (voire médiocre) dans l’exercice. L’explication officielle est toute autre : « Il était allergique aux pigments de couleurs et aux solvants », précise Stephan Brakensiek. Pour ce qui est de la gravure – avec ces effets de clair-obscur annonçant la vogue des eaux-fortes sombres – les deux hommes, maîtrisant avec brio la technique, se valent. Un document, datant de 1817, témoigne même que le graveur français était mieux côté que son homologue du Nord…

L’exposition, à travers une centaine d’estampes – et certaines, d’autres artistes, à titre de comparaison (à l’instar de François-Bernard Lépicié) proposent ainsi une remontée chronologique dans l’œuvre bigarrée de Jean-Jacques de Boissieu, de ses premières études à Lyon à son chef-d’œuvre, La Grande Forêt (1798), affirmant la touche romantique de son auteur, sa vision «paisible» du monde et cette symbiose homme-nature. Entre les deux, des surprises comme ces tonneliers immortalisés sur deux œuvres espacées de 20 ans, ou encore ce rassemblement de dessins splendides («Griffonnements»).

Grégory Cimatti

Exposition visible à la Villa Vauban – Luxembourg. Jusqu’au 10 avril 2016.

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