Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
La réalisatrice danoise Lise Birk Pedersen, dont le premier long métrage, « Putins kiss » (2011), a été primé au prestigieux festival de Sundance, s’intéresse cette fois-ci à la montée du populisme ces dernières années et tout particulièrement au Mouvement 5 étoiles (M5S), formation politique italienne récente, lancée par l’humoriste Beppe Grillo.
Né fin 2009 dans l’idée de lutter contre la corruption beaucoup trop répandue parmi les politiciens italiens – que le nouveau parti annonçait vouloir «renvoyer chez eux» («tutti a casa») –, et pour lutter contre la domination de Silvio Berlusconi, le M5S prône une démocratie directe, sur internet, et fait preuve d’un euroscepticisme qui n’a d’égal que sa méfiance dans les institutions italiennes.
Cet aspect antisystème (le même que revendiquent finalement tous les partis populistes ou d’extrême droite) lui a valu 23,5% des votes au Sénat et plus de 25,5% à la Chambre des députés lors des élections générales italiennes de 2013. De quoi en faire la troisième force politique transalpine et le premier parti en nombre de votes (droite comme gauche se présentant dans des coalitions). Voici donc ces nouveaux élus – souvent très jeunes et inexpérimentés sur le plan politique – en position de faire changer les choses. De tenir leurs promesses électorales. Mais la charte signée par tous les candidats empêche toute possible alliance avec un autre parti. Ce qui exclut automatiquement le M5S du pouvoir et crée en Italie une situation politique sans précédent, avec un gouvernement qui tarde à se former et une coalition de gauche et une de droite, ennemies jurées depuis toujours, obligées de conclure une alliance pour gouverner.
C’est cette période que raconte Lise Birk Pedersen dans un documentaire très classique, mais bien fait. Une année entière, avant, pendant et après les élections que la documentariste passera à l’intérieur du «Movimento», au plus près de cette montée populiste. Sa caméra suit quatre candidats «grillini» des meetings de campagne au Sénat, le tout de l’intérieur. Au plus près de ces citoyens lambda qui, par le hasard de la vie et de l’histoire, se sont lancés en politique convaincus par les discours de Beppe Grillo. De l’espoir de la campagne, on passera à excitation du vote, de la joie de la victoire, à la désillusion de la vie en tant qu’homme ou femme politique.
C’est que les promesses politiques se heurtent à la réalité parlementaire et la démocratie ultradirecte prônée par Grillo se transforme bien trop souvent en une sorte de «loi de la rue», voire «loi du web». Et puis il y a la figure de Grillo, qui tout en étant le leader du mouvement ne s’est pas présenté aux élections, et s’est vite montré d’une intransigeance proche de la dictature. Le parti est son jouet. Sa chose. Et les élus qui vont oser s’opposer à un de ses choix, critiquer un de ses gestes, vont rapidement le payer chèrement.
Le documentaire montre la réalité du populisme actuel, pourquoi ça marche dans les urnes, mais aussi pourquoi il ne peut pas fonctionner dans la pratique. Une analyse intéressante. Et tristement nécessaire en ces temps de méfiance de plus en plus accrue envers les partis politiques traditionnels.
Pablo Chimienti
« Tutti a casa – Power to the People ? » à voir à l’Utopia, vendredi à 21h
