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[Critique ciné] Bronx : c’est pas la capitale, c’est Marseille, bébé


Bronx, ce sont bien évidemment les quartiers nord de Marseille, où l’on se balade calibre à la ceinture... (Photo : Netflix)

Cette semaine : Bronx, d’Olivier Marchal. Avec Lannick Gautry, Stanislas Mehrar, Kaaris, Jean Reno… Genre : policier / action. Durée : 1 h 56.

C’est l’histoire d’un ex-flic qui se rêvait cow-boy. Un ex-flic qui, après avoir raccroché, a décidé d’extérioriser une certaine frustration sur grand écran. Olivier Marchal, c’est le patron du polar hexagonal musclé, celui qui, depuis vingt ans, inonde régulièrement les salles de cinéma de ses polars poisseux à l’américaine. Et justement, pour son nouveau film (produit par Gaumont, distribué par Netflix), il nous emmène dans le Bronx. Pas le vrai Bronx, mais ce qui s’en rapproche le plus en France : Marseille, haut lieu de la pétanque, du pastis et des défaites en Ligue des champions. Mais c’est plutôt comme temple historique du grand banditisme, depuis la French Connection jusqu’à Bernard Tapie, que la cité phocéenne apparaît dans l’œil de la caméra d’Olivier Marchal. Et en lui emboîtant le pas, Netflix, qui avait déjà sorti un nanar en deux saisons devenu culte, Marseille, avec un festival de tronches sorties tout droit de chez Marchal (Gérard Depardieu en maire de la ville et Benoît Magimel en blond peroxydé et «avé l’acceng»), persiste, donc, et signe.

Bronx, ce sont bien évidemment les quartiers nord de Marseille, où l’on se balade calibre à la ceinture et où il n’y a que deux types d’ennemis : les flics et les Corses. Manque de bol, Olivier Marchal aime le chaos et lâche les loups sauvages pour le carnage du siècle : il convient de citer une idole marseillaise, Jul, qui affirme qu’«en bande organisée, personne peut nous canaliser». Tout cela se passe sous la houlette du nouveau chef de la police marseillaise, Ange Leonetti (Jean Reno), dont on devine à peine avec son nom qu’il n’est pas vraiment un continental. On suit une équipe de l’antigang, pilotée par le ripou gentil Richard Vronski (Lannick Gautry), dans laquelle on trouve notamment Willy, un alcoolique au bord de la dépression (Stanislas Mehrar, dans sa meilleure imitation de Jacques Dutronc), et le flic surdoué et intègre Max (Kaaris, à contre-emploi donc). Bref, une belle équipe de vrais mecs, qui passe de conflits en interne en fusillades sans que l’on se soucie de comprendre les enjeux d’un scénario plutôt préoccupé par la présentation d’une longue galerie de personnages, qui viennent et disparaissent à leur guise (mention spéciale à Gérard Lanvin, dont le personnage et sa présence dans le film restent un mystère). On ne saisit rien, mais on prévoit tout, jusqu’à ce vol d’une livraison de drogue qui devient, au bout d’une heure pénible, le nerf de la guerre.

Marchal revient aux fondamentaux

Après Carbone (2017), objet curieux mais pas désagréable où le thriller économique de Costa-Gavras côtoyait la flamboyance de Scarface (Brian De Palma, 1983), Marchal revient aux fondamentaux dans Bronx : l’action musclée, la frontière trouble entre flics et voyous, la vulgarité comme figure de style (on n’échappe pas au fleuri «fils de chèvre» ni à l’emblématique «con de ta mère» pour saluer la tradition locale)… Et puisqu’on se préoccupe tant d’«avoir des couilles», inutile de préciser que Bronx affiche peu de considération pour les femmes. Au mieux, on leur ment ou on les ignore; au pire, on les insulte, on les viole ou on les tue. On les compte dans deux catégories : celles qui travaillent pour la police (ou les gangsters; en tout cas, celles qui servent les hommes) et les autres.

Que fallait-il attendre d’un film qui démarre avec une conversation surréaliste entre le parrain corse et le chef de la brigade autour d’Anna Karénine ? Vronski (vous l’avez ?) commence par un incrédule «T’as lu Anna Karénine, toi ?» parce que dans le monde d’Olivier Marchal, tous les gangsters sont demeurés. Logique imparable : s’ils connaissaient leur Tolstoï, ils auraient fini du bon côté de la loi. C’est sans surprise que l’on glisse doucement vers du nanar de compétition, à base de répliques clownesques qui feraient passer Michel Audiard pour Apollinaire («À force de traîner avec des cadavres, tu vas finir par te marier avec un cercueil») et de scènes d’action molles qui ont perdu le punch et l’esthétisme tranchant des premiers Marchal. Bronx part dans tous les sens : c’est peut-être cela, finalement, le vrai sens caché du titre.

Valentin Maniglia

Bronx, d’Olivier Marchal.

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