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[Cinéma] «Dark Waters» : les eaux troubles du thriller juridique


Mark Ruffalo, acteur et l’un des producteurs du film, militant écologiste par ailleurs, dit avoir été «stupéfait et choqué» par cette histoire.

Le réalisateur américain Todd Haynes change de registre pour s’essayer au cinéma de dénonciation, à travers l’histoire vraie d’un avocat qui s’est battu contre le géant de la chimie DuPont, au cœur d’un scandale de polluants.

Avec Dark Waters, dans les salles ce mercredi, le réalisateur américain Todd Haynes change de registre pour s’essayer au cinéma de dénonciation, à travers l’histoire vraie de l’avocat Robert Bilott, qui s’est battu contre le géant de la chimie DuPont, au nom de quelque 70 000 personnes dont l’eau potable avait été contaminée par de l’acide perfluorooctanoïque (PFOA) en Virginie occidentale.

C’est Mark Ruffalo, également l’un des producteurs du film et militant écologiste, qui interprète le rôle de Robert Bilott. L’acteur a découvert en 2016 un article du New York Times Magazine relatant l’affaire et l’a proposé à Todd Haynes, qui dit avoir été «stupéfait et choqué» par cette histoire. Les composés perfluorés, qui servent notamment dans la fabrication des poêles antiadhésives, de certains emballages alimentaires et des revêtements antitaches, sont très persistants dans l’environnement et soupçonnés d’être cancérogènes et des perturbateurs endocriniens.

Mercredi dernier, au Parlement européen, à Bruxelles, Mark Ruffalo, aux côtés de Todd Haynes et Robert Bilott, a estimé que «les choses bougent finalement sur ces questions après quatre décennies d’inaction». «Cela a été difficile pour nous de faire bouger les choses au niveau fédéral, même avec ce film. Donc les gars, vous êtes les héros désormais, vous devez être des héros», a-t-il lancé. Interrogé sur l’initiative de deux députés suédois de proposer la jeune militante pour le climat Greta Thunberg pour le prix Nobel de la paix, il a souhaité «bonne chance» à l’adolescente. «J’adorerais qu’elle remporte le prix Nobel», a répondu Mark Ruffalo.

AFP

 

[Critique] Un document plus qu’un film

Si l’on pouvait attendre un film basé sur le combat héroïque de Robert Bilott, on est surpris de voir Todd Haynes s’y atteler, tant l’univers du réalisateur de Carol et Velvet Goldmine est à des années-lumière du genre que les Anglo-Saxons appellent «legal thriller» («thriller juridique»), dont Dark Waters est le plus récent représentant. Considérons alors que le film est, plus que tout autre chose, un document de notre temps, indispensable car il ouvre un peu plus nos yeux quant à l’impact de l’homme dans ce qu’il a de plus répugnant sur l’environnement.
Toutefois, il est convenu de prêter au thriller juridique une autre dimension que celle, unilatérale, du «film-document».

Les ancêtres de Dark Waters, de All the President’s Men (Alan J. Pakula, 1976) à Erin Brockovich (Steven Soderbergh, 2000) jusqu’aux plus récents The Post (Steven Spielberg, 2017) et The Report (Scott Z. Burns, 2019), ont su allier, chacun à leur manière, l’expression esthétique à la richesse et à la nervosité de leur scénario. C’est de cela dont manque cruellement le huitième film de Haynes, qui joue sagement la carte de la sobriété dans une réalisation et un montage classiques auxquels le script, dans la tourmente de sa deuxième heure, finit par ne plus répondre. Quoique déjà déclinée à toutes les sauces, cette reprise contemporaine de David contre Goliath était pourtant bien partie pour surprendre.

Et puis, comme un feu de paille, tout ce qui faisait l’intérêt de sa première moitié (l’évolution de l’avocat aux origines campagnardes quelque peu carriériste en vaillant lanceur d’alerte, la longue désintégration de sa famille) part en fumée dès lors que le film se lance dans le délicat exercice redouté même par les plus brillants cinéastes, celui du cinéma de tribunal, des pièces exiguës remplies de cartons et de dossiers et des conversations dans de longs couloirs immaculés. La faute à une histoire qui compte trop sur son exposition et dans laquelle les rares touches que l’on peut décidément prêter à Todd Haynes font tache. Côté casting, Mark Ruffalo, Anne Hathaway et Tim Robbins s’essoufflent en même temps que le film. Restent Bill Camp, renversant de désespoir dans le rôle du fermier à l’origine de l’affaire, et les apparitions de vraies personnes liées à l’affaire, souvent dans leur propre rôle. Le document est indispensable; l’objet cinématographique, lui, l’est nettement moins.
Valentin Maniglia

 

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