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[Cinéma] «1917» : deux heures sur le front


Le réalisme est de mise dans la façon de filmer (Photo : DR).

1917, le septième long métrage de Sam Mendes, arrive en salle tout fraîchement auréolé des Golden Globes du meilleur réalisateur et du meilleur film dramatique.

Cinq ans après Spectre, le réalisateur Sam Mendes (American Beauty, Road to Perdition, Skyfall…) est de retour en salle avec 1917. Un film de guerre, genre qu’il avait déjà pratiqué avec Jarhead (2005). Cette fois-ci, ni marines, ni désert, ni guerre du Golfe, mais, comme le titre même du film l’indique, une plongée dans la Première Guerre mondiale, en 1917, dans le nord de la France avec deux caporaux de l’armée britannique.
On est le 6 avril 1917 très exactement. Une date entrée dans l’Histoire comme un tournant de cette Première Guerre mondiale, car elle marque l’entrée des États-Unis dans le conflit, aux côtés de la Triple-Entente (France, Royaume-Uni et Russie). Mais avec Sam Mendes, on est loin des états-majors, des salons dorés… le réalisateur offre, au contraire, à ses spectateurs une bonne dose de tranchées, de boue, de morts. Deux heures sur la ligne de front, voire derrière celle-ci.
Le film débute avec le caporal Blake, réveillé en pleine sieste par un sergent. «Choisis un homme et prends ton barda», lui dit simplement le supérieur. Comme Schofield est allongé juste à côté de lui, il lui demande de l’accompagner. Mais au lieu de devoir aller chercher du matériel ou distribuer le courrier comme il le pensait, Blake se voit confier par le général Erinmore le soin de transmettre un message. Une mission suicide? Non, pas tout à fait, mais pas loin!
Il doit passer le no man’s land, traverser les lignes allemandes et atteindre la 2e division, à quelque 9 miles de là, avant le lendemain matin, pour annoncer au colonel Mackenzie que le retrait allemand est un piège et qu’il doit annuler son attaque. Sinon, quelque 1 600 soldats risquent d’y passer pour rien. Et si c’est Blake qui a été choisi, c’est parce que son frère aîné fait partie de ces soldats.

Une course contre le temps

Voilà, même pas dix minutes et le décor est planté. Tout le reste du film sera un long chemin de croix pour les deux soldats. Un parcours semé d’embûches : fils barbelés plus hauts qu’eux, trous d’obus «plus profonds que ce que l’on croit à première vue» et desquels il est impossible de ressortir une fois tombé dedans, tranchées en forme de labyrinthe et piégées, tireurs embusqués, ponts détruits… Les quatre éléments, terre, feu, eau et air, semblent contre eux. Rien ne leur sera épargné : boue, éboulements, incendies, rivières mouvementées… il y a même un avion ennemi qui s’écrasera à leurs pieds! Mais Blake d’abord, Schofield ensuite auront à cœur de mener leur mission à terme, dans les temps. Car comme on peut le lire dans l’affiche du film : «Time is the enemy»!
Avec finalement peu de combats et quasiment pas d’ennemis, Sam Mendes parvient à tenir la tension au maximum tout au long du parcours. Il réserve même quelques véritables surprises scénaristiques aux spectateurs.

Un film immersif

Et que dire de la forme ? À l’instar d’Alejandro González Iñárritu dans Birdman, pas une seule coupe ne vient interrompre le récit tout au long des deux heures de ce film qui se présente donc comme un seul et unique plan-séquence. «Nos deux protagonistes doivent participer à une mission périlleuse (…) notre caméra ne les lâche jamais», note le réalisateur dans ses notes d’intention. «Je voulais m’attacher à chacun de leurs pas et sentir leur souffle, et mon chef-opérateur Roger Deakins et moi-même avons discuté de notre envie de tourner 1917 de la manière la plus immersive possible. Nous avons conçu le film pour projeter le spectateur dans ce que nos deux jeunes héros ont vécu.» Il conclut : «C’est le projet le plus enthousiasmant de ma carrière.» Et c’est une grande réussite!
Une sacrée performance avec des mouvements de caméra d’une incroyable précision, des décors magnifiques (la scène où Schofield découvre les ruines de la ville d’Écoust en flammes est fabuleuse) et un casting de très, très haut niveau tant pour les personnages principaux, avec Dean-Charles Chapman et George MacKay, que pour les personnages n’ayant parfois qu’une seule scène, interprétés par des pointures telles que Mark Strong, Colin Firth ou Benedict Cumberbatch. La classe !

Pablo Chimienti

Un tour de force

Sam Mendes et son directeur de la photographie Roger Deakins ont conçu le film comme un plan-séquence long de deux heures, des tranchées enfumées aux champs de bataille labourés par les obus en passant par une ville française dévastée. «Ni l’un ni l’autre n’avaient jamais réalisé un film en un unique plan. Aucun d’entre nous ne l’a fait», soulignait l’un des deux acteurs principaux, Dean-Charles Chapman, lors d’une interview à Beverly Hills, après la remise des Golden Globes.
Chapman et George MacKay ont tous deux décrit comment ils ont passé six mois à répéter méticuleusement leurs scènes, «lisant le texte dans un champ», reproduisant sans cesse leurs déplacements et leurs dialogues jusqu’à ce qu’ils deviennent des réflexes. Pendant ce temps, l’équipe du film dressait petit à petit les décors autour d’eux.
«Nous marchions en suivant des piquets dans le sol comme repères, ici le mur, ici le point de départ, là l’arrivée (…) Lentement, le plateau devenait une tranchée», se souvient Dean-Charles Chapman, jusqu’à présent connu du grand public pour son rôle de Tomen Baratheon dans la série Game of Thrones.

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