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Ça plane pour Maxime Bender!


Maxime Bender aime s’aventurer dans de nouveaux espaces sonores et teinter son jazz avec moins de swing et plus de pop. (Photo : martine pinnel)

C’est en toute confidentialité que Maxime Bender sort vendredi un nouvel album, Fall & Rise, où on le retrouve aux côtés du collectif Universal Sky. Une production qui prouve, une nouvelle fois, que le saxophoniste aime s’aventurer loin des terrains balisés.

Maxime Bender, saxophoniste et compositeur de renom au pays, tient rarement en place malgré sa tranquille apparence. C’est qu’il aime s’aventurer dans de nouveaux espaces sonores et teinter son jazz avec moins de swing et plus de pop. Une orientation encore plus sensible depuis qu’il s’est entouré d’un trio singulier : Manu Codjia (guitare), Jean-Yves Jung (orgue) et Jérôme Klein (batterie), soit le collectif Universal Sky. Un quartette sans horizon fermé, déjà auteur d’un premier album en 2018, mélangeant à sa guise le post-bop, le folk et le classique, avec un soupçon d’avant-gardisme.

Une direction qui s’observe à nouveau avec Fall & Rise, qui sort demain après être resté longtemps dans les tiroirs, chahuté par la crise sanitaire. Édité par le label italien Cam Jazz, qui voit dans son protégé des airs de Wayne Shorter, le disque, résolument moderne, met l’accent sur la mélodie et la fluidité. En résultent dix chansons (dont une reprise de Bruce Springsteen) planantes, hypnotiques même, sur lesquelles le soliste laisse habilement glisser son instrument. Du haut de son nuage, l’actuel directeur du Trifolion (Echternach) en profite pour parler de paix, de curiosité et de partage.

Comment vous sentez-vous la semaine de la sortie d’un de vos albums?

Maxime Bender : Plutôt tranquille, car le travail est fait (il rit). D’une certaine manière, je suis content qu’il sorte : c’est un album qui est dans les tiroirs depuis 2020, mais régulièrement reporté en raison de la pandémie. C’est un projet qui m’habite depuis longtemps, alors oui, je suis soulagé de le présenter aux auditeurs. Ça va me libérer d’un poids et je vais pouvoir passer à autre chose. Avancer, tout simplement!

Avec ce Fall & Rise, on vous retrouve en compagnie du collectif Universal Sky. Qu’apporte-t-il de plus, selon vous?

Déjà, on se côtoie depuis plus de six ans. On a commencé à jouer ensemble vers 2016, avant un premier album réalisé deux ans plus tard (Universal Sky). Finalement, on n’a jamais vraiment arrêté de travailler! Ce nouveau disque, c’est une continuité. Une forme d’amitié aussi. Ensuite, ce groupe sonne différemment. Sa composition n’est, disons, pas très commune dans le jazz.

Ce collectif, c’est comme un bain chaud dans lequel je plonge!

En effet, ce quatuor se présente sans basse, mais avec un orgue et une guitare.

Ce sont deux instruments au registre planant, qui laissent les harmonies suffisamment ouvertes pour qu’un soliste comme moi puisse glisser dessus. C’est comme un bain chaud, agréable, dans lequel je plonge. Attention, pas question de s’endormir dedans : il faut quand même proposer des choses (il rit). Et avec ce genre de configuration, en tant que compositeur, il faut penser différemment la musique. Quand il n’y a pas de bassiste par exemple, il faut tout organiser pour que ça fonctionne. C’est un challenge!

Est-ce une façon, pour vous, de ne pas faire du surplace?

Se réinventer, c’est ce que je recherche depuis toujours. Avoir des contraintes pour mieux les dépasser et ainsi découvrir d’autres possibilités d’écriture, de jeu. Ça serait moins le cas si je jouais dans un quartette traditionnel! Bien sûr, tout n’est pas nouveau dans ce que l’on fait avec Universal Sky : on peut notamment évoquer, dans les années 1950-60, Jimmy Smith, un organiste branché bebop. Là, on change cette formule pour la replacer dans un contexte plus moderne.

Votre label, Cam Jazz, vous rapproche d’une autre et illustre référence : Wayne Shorter. Qu’en pensez-vous? 

Moi, ça me va (il rit). Difficile de trouver mieux… Si on regarde sa carrière, après ses débuts et sa collaboration avec Miles Davis, on le retrouve au sein de Weather Report : je me souviens notamment de cet album homonyme de 1982 qui sonne plus conventionnel. Après, cela ne veut pas dire que j’ai envie de faire de la musique de grande écoute, qui passe sur Eldoradio. Mais question références, oui, je prends!

À travers le nom du collectif et les titres des chansons de Fall & Rise, vous abordez la notion d’universalité. Pouvez-vous nous en dire plus?

L’envie de créer ce groupe est venue après un évènement qui m’a marqué : il y a quelques années, je donnais des cours à des réfugiés afghans, syriens et d’autres pays, lorsque le ton est monté autour de la question du chiisme et du sunnisme. Je leur ai alors expliqué que la musique était universelle, qu’elle rapprochait les gens. On est tous sous un même ciel et sous les mêmes étoiles, qu’importe l’endroit d’où l’on vient. On n’est finalement qu’un grain de sable dans cette immensité. J’ai alors voulu traduire cette idée au sein d’un groupe.

Musicalement, comment cela se caractérise? 

(Il réfléchit) Je dirais que la musique a quelque chose de solaire. Ouverte tout en étant entraînante. Quand on l’écoute, on peut aussi imaginer ce que l’on veut, rêver et se laisser emporter.

Peut-on y voir une sorte de message de paix, sans paroles?

Si c’est perçu comme cela, oui! Disons que c’est plus clair quand on y met des textes, mais dans un sens, ce disque, c’est ma façon d’apporter un peu de légèreté face à tous les conflits et problèmes que l’on entend, que l’on rencontre. Mettre de la douceur dans un monde de brutes.

Dans Fall & Rise, vous vous permettez même de reprendre un titre de Bruce Springsteen (I’m on Fire). C’est une confirmation supplémentaire que vous visez large, non?

Oui, mais ça ne marche pas avec n’importe quel morceau ou artiste! Quand on fait une reprise, il faut s’emparer d’une chanson qui peut être explorée. C’est tout le talent d’une écriture : être capable de proposer quelque chose qui s’adapte à tous les formats et toutes les humeurs. S’il y a bien une capacité que l’on ne peut pas enlever à Bruce Springsteen, c’est bien ça! C’est toute la force de son répertoire.

Votre album sort de manière confidentielle et peu de concerts l’accompagnent. Est-ce toujours difficile de tourner? 

Clairement. Mettre en place une tournée ou des concerts, c’est toujours chaotique. Sortir un album en ce moment, oui, c’est un vrai bonheur (il souffle). Pour l’instant, on a une date programmée au Luxembourg, en novembre à Neimënster (NDLR : Jazz Meeting & Friends), et deux autres en France. C’est triste, car la scène est essentielle. Il y a cette vibration, cette dynamique du live, les retours des spectateurs… Sans oublier le fait que partager est l’essence même de la musique. Et la raison d’être d’un musicien.

Se réinventer, c’est ce que je recherche depuis toujours

Justement, qu’aimeriez-vous entendre à propos de ce nouvel album?

Ça, c’est compliqué à dire! Le public est désormais libre d’en penser ce qu’il veut, de l’écouter seul au casque à la maison ou de venir l’apprécier en concert. Chacun en fera son interprétation. Ce disque ne m’appartient plus. Moi, dans ma tête, je suis déjà ailleurs!

Comment jonglez-vous aujourd’hui entre votre carrière de musicien, vos fonctions de directeur du Trifolion et votre poste au conseil communal de Waldbillig?

C’est intense et ça prend du temps. Parfois, il y a de longues journées et de très courtes nuits! Mais tout se rejoint : la politique, la culture, la musique. Je les vois comme un apprentissage où l’on découvre d’autres choses. Avoir des projets, être à l’écoute des gens, proposer de nouvelles idées, en consolider d’autres… C’est commun à ces trois activités!

En somme, sonder de nouveaux terrains comme vous dites…

C’est cela! Rencontrer de nouvelles personnes, aborder de nouvelles notions, se confronter à d’autres opinions… Tout cela me permet d’avoir une plus grande ouverture d’esprit, ce qui me nourrit en tant qu’être humain et artiste. J’ai toujours été curieux, dans plein de domaines, même si la musique reste centrale. C’est et ce sera mon amour de toujours!

Fall & Rise, de Maxime Bender. Universal Sky

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