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Bouli Lanners (Les premiers, les derniers) : « Les gens normaux n’existent pas »


Opéré du cœur trois mois avant le tournage, Bouli Lanners s'est inspiré de sa propre expérience dans le film. (photo Brigitte Lepage)

Casquette à l’effigie de la Province de Luxembourg vissée sur la tête, l’acteur-réalisateur belge Bouli Lanners a entrepris un marathon de deux jours lors du Festival du film d’amour de Mons (Belgique) pour présenter sa dernière œuvre «Les premiers, les derniers». Entretien.

«On revient de Berlin, je suis super content parce que nous avons remporté deux prix», dit-il non sans fierté. «Ce qui me fait plaisir, c’est que le film était hors compétition. Du coup, il n’y a pas de perdant, c’est seulement un film que l’on décide de sortir un peu du lot», confie Bouli Lanners.

Dans une plaine infinie balayée par le vent, Cochise (Albert Dupontel) et Gilou (Bouli Lanners), deux inséparables chasseurs de prime, sont engagés pour retrouver un téléphone volé au contenu compromettant pour son influent propriétaire. Leur chemin va alors croiser celui d’Esther et Willy, un couple en cavale, et d’un gang d’habitants prêts à tout pour se rendre justice. Dans ce petit coin perdu, les deux aventuriers vont peut-être retrouver un semblant de nature humaine, dans ce qu’elle a de meilleur.

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Pour son quatrième film, l’acteur-réalisateur nous séduit avec un conte aux allures de western : « C’est un genre que j’affectionne particulièrement en cinéma et en littérature, malgré le fait qu’en littérature cela soit considéré un peu comme du sous-roman.»

« J’ai toujours eu cette espèce d’affinité avec les personnes plus fragiles »

Bouli Lanners laisse transparaître dans ce film son empathie pour les plus faibles, les marginaux : «J’ai toujours eu cette espèce d’affinité particulière avec les personnes plus fragiles, cela doit venir de moi. J’ai été moi-même pendant longtemps une personne fragile socialement, de par mes galères, et j’ai croisé des gens qui étaient «bord de société» comme cela. Je suis resté très attaché à ces gens-là. Je ne m’en sens pas très différent, je m’y associe. Raconter des personnes fragiles a quelque chose de riche. Je pense que des gens normaux, cela n’existe pas… »

Le soin accordé aux images

Tout comme pour ses œuvres précédentes, Bouli Lanners soigne aussi bien ses images : «C’est effectivement clairement une référence à la peinture, à ma peinture qui est un peu dans la même gamme de couleurs : bleus outremer, bruns. Au niveau de l’échelle entre le ciel et la terre, le format est respecté, l’équilibre, la proportion, sont respectés. »

L’importance des seconds rôles

Les seconds rôles sont les supports du film : « Ce sont eux qui nourrissent les premiers rôles. J’ai été longtemps moi-même un second rôle, je le suis encore et je le revendique. J’aime beaucoup ce statut-là : dans les films que je regardais quand j’étais petit, j’ai toujours aimé Jean Carmet, Paul Préboist, Robert Dalban, Raymond Bussière… Ils ont nourri mon cinéma d’enfance, de jeunesse. Aujourd’hui, on ne les nourrit pas assez, je trouve. Pourtant, dans le cinéma français, ils avaient une force de narration. D’ailleurs, dans les séries, si elles fonctionnent bien, ce n’est pas parce que l’intrigue est différente de celle d’un long métrage, mais comme on a le temps, on peut s’attarder plus longtemps sur chaque personnage pour leur donner de l’épaisseur.»

« La fin du monde ne m’angoisse pas »

« Les premiers, les derniers » parle aussi de la fin du monde et de la mort. Deux sujets qui ne laissent pas le réalisateur liégeois indifférent : «La fin du monde ne m’angoisse pas, mais ce qui m’angoisse c’est que la fin du monde devienne une idée permanente dans la société. L’idée de ne plus se réjouir de l’avenir, l’idée d’être gouverné par la peur qui va amener un repli sur soi, une espèce d’individualisme forcené, c’est cela qui fait peur.»

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La mort de près

Quant à la mort, Bouli l’a frôlé de près, ce qui a changé sa vision du film : «Mes problèmes de santé étaient une maladie évolutive qui a généré une forme d’inquiétude et qui a inspiré le personnage de Gilou. Mais quand cette maladie a fait que j’ai dû être opéré du cœur trois mois avant le tournage, l’échéance était beaucoup plus présente et, étant dans une pensée mortifère, la trajectoire de Gilou est devenue beaucoup plus claire. Sans doute que le personnage était moins bien défini au début du scénario. Je suis devenu le personnage de Gilou pour mieux comprendre et cela m’a permis d’écrire mieux sa trajectoire et son retour à la vie.»

Bientôt un film dans les Ardennes belges

Originaire de la Province de Luxembourg, Bouli Lanners a toujours rêvé de faire un jour un film dans la région : «J’aimerais toujours faire mon film en Ardennes. J’avais commencé à écrire un scénario, un polar qui se passe en Ardennes, je peux enfin mettre toute mon âme ardennaise dedans, mais je me dis : avec «La trêve» qui va sortir (ndlr : série télé produite par la chaîne belge RTBF), je vais attendre encore un petit peu. »

Brigitte Lepage

Pour le plaisir, Bouli Lanners chantant Sunny dans le film Aaltra (Benoît Delépine et Gustave Kervern, 2003) :

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