Vendredi soir, notre curiosité nous a poussé à nous déplacer à Esch-sur-Alzette, plus précisément à la Kulturfabrik, pour aller voir les trois petits shows proposés par la jeune artiste circassienne multidisciplinaire Philomène Authelet.
On avait déjà croisé «Philo» à plusieurs reprises sur des évènements hip-hop. La première fois, si notre mémoire est bonne, lors du GC Battle II à Luxembourg-Bonnevoie en mai 2015. Elle nous avait raconté ce jour-là qu’elle dansait un peu, mais qu’elle était surtout à la base une gymnaste. Tout de suite, de par son profil, elle nous avait fait penser – toutes proportions gardées – à Ludivine Furnon.
Deux ans plus tard, b-boy K-mel (Fatal Fury, ex-Project X) expliquait au Quotidien qu’elle était tout le temps fourrée avec son amie Lucy Angeloni (plus connue dans le milieu sous le nom de «Medusa»), deux «filles très instinctives, des personnes vraies, créatives et super expressives» qui font partie de l’association de son grand frère Safouane (Energy of Life).
Alors, quand on a vu que «Philo» se produisait en solo à la Kulturfabrik (Philomène Move Art), on n’a pas hésité bien longtemps.
Vendredi, 20h, direction une petite table du bar à ciel ouvert de la KuFa pour admirer tout ça. Le décor coloré est dépaysant, on se croirait limite dans les îles. Ampoules roots orange, lumière fuchsia projetée à plusieurs endroits sur ce temple de la culture urbaine au Grand-Duché, où l’on peut distinguer également plusieurs magnifiques fresques. Posé à même le sol, un tableau d’un enfant sur lequel dégouline de la peinture rappelle qu’on est ici dans une «urban jungle». Pour patienter, masque sous le menton, on commande un petit thé à la menthe.
Sous un chapiteau noir, DJ Zeny est lui déjà en place. Tout en grignotant deux-trois frites par-ci par-là, il balance notamment du son hip-hop (Cash Rules d’Iyla, Peace de Reyrzy, Sounds like Love d’Illa J) et se fait aussi plaisir en scratchant de temps à autre.
Dans le public, assis à des tables, on retrouve des intimes : notamment Lucy, avec sa coupe afro attachée façon Alicia Keys, tout comme d’autres fidèles amis de «Philo» (Maxime, Claudia, Alex, Zina, etc.), qui sont là pour lui apporter amour, force et soutien.
Fred Entringer, le coordinateur brésilien du pôle pédagogique de la KuFa (programmateur notamment du KuFa Urban Art), désormais guéri du Covid-19, lui a en effet proposé cette magnifique opportunité de se produire ici. Donc elle ne veut surtout pas décevoir !
20h18, «Philo» arrive sur scène, à savoir un tapis oriental, bordé de néons lumineux. On sent de l’émotion dans ses yeux. La Belge (27 ans), résidente luxembourgeoise depuis plus d’une dizaine d’années, indique succinctement qu’elle va réaliser trois petits shows «rien que pour (n)ous» ! «Buvez, mangez et délectez-vous du spectacle !», glisse-t-elle, sourire aux lèvres, avant de débuter.
Sur un flamenco métissé de Concha Buika (Soledad), sa première prestation, où elle utilise comme accessoire une chaise en bois pour réaliser des figures, mêle danse, cirque, contorsionnisme et acrobaties. C’est joli !
Mieux : c’est doux, subtil et délicat à la fois, on sent qu’on a affaire devant nous à une véritable athlète, ultrasouple, forte et tonique, douée d’un sens de l’équilibre assez phénoménal et aux pieds «flex».
Pour faire patienter entre les petits shows espacés à chaque fois d’une demi-heure, DJ Zeny envoie des ziks qui nous font kiffer : un remix de U Know What’s Up de Donell Jones, Dark Matter de T’ God, Just Friends (Sunny) de Musiq… Son ami, Roanito Neves, danseur de hip-hop newstyle, ne résistera pas longtemps à l’appel de la vibe !
21h01. Profondément influencée par les cultures du monde entier, «Philo» se repointe sur scène déguisée en poupée aux joues rouges, légèrement robotique, avec une coupe de cheveux typique du pays du Soleil-Levant. Perchée sur ses cannes, grâce à la seule force de ses bras, la tête à l’envers, elle réalise des sortes d’appui tendu renversé (ATR) et des mouvements de souplesse vraiment impressionnants. Et que penser de ses vagues, oscillations avec ses jambes… Disons qu’on se sent, l’espace d’un instant, profondément suspendu, avec elle, au carrefour des éléments, entre terre et mer… Du grand art !
Félicitée par Jill Crovisier
«Philo» revient à 21h45 pour un ultime show. De cette dernière performance sur Goodbye d’Apparat, s’il ne fallait retenir qu’un seul moment, une gestuelle, une position, ça serait celle-ci : quand, toujours en équilibre sur ses cannes, elle ramène ses jambes devant sa tête. Elle relève ensuite cette dernière et fixe son regard droit devant elle. On le voit à ses yeux, à son visage rougi, à ses veines temporales qui se gonflent : l’effort est alors maximal, le gainage de tout le corps à son paroxysme. «Wow, wow, wow !!!», entend-on chez les spectateurs, pour le moins admiratifs. DJ Zeny, scotché, ne pourra s’empêcher de pousser des petits cris chelous, suivi dans son délire par Fred Entringer.
Même Jill Crovisier, lauréate du Lëtzebuerger Danzpräis 2019 et présente ce soir-là à la KuFa, n’a pas manqué de saluer sur les réseaux la perf’ de «Philo». Définitivement, un petit bout de femme à l’univers aussi divers que perché… qui, à coup sûr, a du talent à revendre !
Ismaël Bouchafra-Hennequin
Depuis deux ans, Philomène Authelet, coachée dans sa préparation par Maxime Brunot, passe les auditions pour entrer dans une école de cirque. Mais les places sont chères. Alors qu’elle a effectué depuis mai une quinzaine de représentations avec le Zaltimbanq’ Zirkus – École de cirque de Luxembourg, la Belge aux origines philippines a reçu une grande nouvelle : elle a été acceptée pour intégrer la Compagnie belge d’Alexander Vantournhout (Not standing). Sa rentrée est prévue en novembre 2020 et la tournée mondiale, elle, si tout se passe bien, en octobre 2021. «Mais avant ça, y a énormément de boulot !», prévient «Philo».
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