Parquet Courts et son audace instinctive, d’album en album, est de retour avec Sympathy for Life, sorti le 22 octobre sur le label Rough Trade.
Depuis dix ans, suivre l’avancée folle de Parquet Courts est réjouissant, aussi imprévisible soit-elle. C’est d’ailleurs là que réside tout le charme du groupe new-yorkais, résolu à aller de l’avant, quoi qu’il en coûte. Emprunter son élan se résumerait alors à la chorégraphie suivante : un pas en avant, puis deux, puis trois. Et ainsi de suite… Une audace instinctive qui s’observe d’album en album, chacun refusant de ressembler aux autres. Pourtant, prise dans son ensemble, sa pléthorique discographie, d’une qualité incontestable, reste cohérente. Plutôt classe.
On a donc trop vite rangé Parquet Courts au rayon «post-punk», qu’il maîtrise toutefois à la perfection à travers une recette qui, aujourd’hui, fait des émules : des guitares nerveuses qui jouent au ping-pong et, au milieu, une basse-batterie qui compte les points. Le tout dans une nonchalance très «arty» et une urgence de tous les instants, dans le jeu comme dans l’enregistrement (Light Up Gold, Sunbathing Animal, Human Performance). Mais après avoir fait bouger les têtes, Andrew Savage et ses trois potes se sont intéressés aux jambes, qu’ils cherchent désormais à dénouer depuis leur dernière surprise, Wide Awake ! (2018).
Un disque qui fait date, avec cette façon de diluer une colère à fleur de peau dans un écrin subtil, créatif, joueur, entraînant. Dans ce sens, il se rapproche, avec humilité bien sûr, du London Calling des Clash (1979), avec cette capacité à tout bien faire (rock, funk, ska, rhythm and blues…) sans jamais forcer le trait. Pas sûr, toutefois, que la comparaison plaise à Parquet Courts, lui qui se définit comme un enfant de Brooklyn, dont il fréquente les scènes alternatives quand il n’est pas dessus à jouer. D’ailleurs, ce Sympathy for Life en distille toute l’atmosphère. Celle, nostalgique, de la fin des années 70, avec des accents d’ESG et de Liquid Liquid.
« Notre meilleur instrument, c’est l’autre ! »
Mais s’il y a un rapprochement à faire, c’est bien avec David Byrne et les Talking Heads, non pas pour la guitare funky, mais pour la propension à dessiner sa propre route, quitte à s’y égarer. Parquet Courts a toujours revendiqué cette disposition : d’abord, à travers sa musique, même la plus brute, où il est souvent question de liberté, de désir, de responsabilité, d’autonomie. Ensuite par sa façon de jouer et de composer, le quatuor reconnaissant un goût prononcé pour l’improvisation. «Notre meilleur instrument, c’est l’autre !», soutient ainsi Austin Brown, cofondateur du groupe.
Deux jours avant que n’arrive la pandémie et que tout ne s’arrête, Sympathy for Life était donc prêt à animer les soirées. Il lève en effet le pied sur la guitare (sauf pour Walking at A Downtown Pace et Homo Sapien, titres qui auraient pu figurer sur d’anciens albums), convoque les boîtes à rythmes et autres synthétiseurs, marie le rock à l’acid house, comme le Primal Scream de la grande époque (Screamadelica, 1991) et ose quelques délires psychédéliques à la CAN (ou plutôt Pink Floyd, lointain héritage qui compte pour les New-Yorkais).
Sans le moindre signe d’essoufflement, Parquet Courts, avec ce septième album produit par Rodaidh McDonald (qui travaille avec David Byrne) et le célèbre John Parish (PJ Harvey), continue sur sa lancée et montre qu’il sait s’arrêter de penser pour mieux bouger. Reste à savoir comment ce disque trouvera sa place dans les fêtes. Austin Brown a déjà une réponse : «Si Wide Awake était un album que vous pouviez mettre en soirée, alors Sympathy for Life sera sans doute le suivant.» Imparable.
Grégory Cimatti