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[Album de la semaine] All Mirrors, la beauté baroque selon Angel Olsen


La musicienne n'hésite plus à s'assumer comme une grande chanteuse, et cet exercice de grande classe la place désormais bien loin devant ses consœurs. (capture YouTube)

Artiste caméléon, Angel Olsen n’a décidément pas fini de nous surprendre. Après deux albums dans une veine «rock à guitare» aux élans féministes (dont l’excellent Burn Your Fire for No Witness en 2014), personne n’avait vu venir la tornade, deux ans plus tard, avec My Woman, sous forte influence des années 80-90.

Dans un disque aux mille facettes, elle balançait ainsi aux oubliettes ses anciens réflexes lo-fi et ses chansons mordantes, bombant du torse, empruntant au passage le charme (et la polyvalence) de références qui comptent, comme Hope Sandoval et Cat Power. Que dire alors aujourd’hui de cet All Mirrors, époustouflant de bout en bout, dans lequel l’artiste poursuit sa mue, au gré de ses peines de cœur et ses quêtes identitaires, apparemment loin d’être taries.

Voilà ce qu’elle confie, d’ailleurs, sur le magnifique Spring : «Je commence à me demander si quelque chose est réel», chante-t-elle. «Je suppose que nous sommes à la merci de ce que nous ressentons.» Angel Olsen, pour cet album d’une beauté baroque, s’est donc isolée, afin que ses chansons, à voir ici comme autant de perles précieuses, s’attachent à aller au plus près de l’intime, de l’authentique.

Ainsi, du folk allumé au rock bruyant en passant par une pop chic et synthétique, la jeune femme fait dans le grandiloquent, en s’adjoignant les services d’une section de cordes (sur huit des onze chansons d’All Mirrors). Notons qu’une première version, sans accompagnement ou presque, avait été enregistrée en amont – l’idée d’Angel Olsen était de les sortir en même temps, avant qu’elle ne choisisse finalement la plus «garnie».

Une preuve supplémentaire de la dualité qui habite l’artiste, elle qui, dans ses errances passionnelles, a toujours cultivé l’ambivalence : la fragilité et l’excès, l’intériorité et le drame débordant, la soumission et la rage… Si ce cinquième album est vu, par sa créatrice, comme un objet «de colère», l’auditeur n’en percevra rien, si ce n’est dans les textes, pourtant bien plus mélancoliques qu’énervés.

Car ici, la solitude, les ruptures, les envies d’ailleurs se matérialisent dans des mélodies au souffle épique, portées par une voix intense, déroutante. Oui, la musicienne n’hésite plus à s’assumer comme une grande chanteuse, et cet exercice de grande classe la place désormais bien loin devant ses consœurs. Jusqu’à, bien sûr, une nouvelle réinvention.

Grégory Cimatti

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