TF1 a jeté son dévolu sur Newen, la société de production du feuilleton «Plus Belle la Vie» ou de la série au budget record «Versailles», et pourrait devenir ainsi fournisseur de programmes phares de France Télévisions et Canal+, un nouveau coup d’éclat dans la course aux contenus que se disputent les groupes de médias.
Les deux parties ont annoncé jeudi être «en négociation exclusive» «afin de nouer un partenariat dans le domaine de la production et de la distribution de droits audiovisuels». «Dans cette perspective, TF1 pourrait prendre une participation majoritaire dans Newen», ajoute le document. Aucune indication sur les modalités ou le montant de la transaction n’a été communiquée.
Si une telle prise de contrôle se concrétisait, TF1, le premier groupe privé de télévision gratuite en France avec les chaînes TF1, TMC, NT1 et HD1, deviendrait un des principaux fournisseurs de programmes de ses concurrents, les chaînes du services public et Canal+.
France Télévisions, dont certains grands succès sont produits par Newen, a tenu à souligner auprès de l’AFP «son attachement» à ces programmes, comme «Plus belle la vie qu’il a lancé depuis 12 ans et qui est un rendez-vous quotidien fort avec ses téléspectateurs» et «à ses fictions et séries comme Candice Renoir, Le Sang de la Vigne, Nina, ou encore à ses magazines et jeux comme Harry, Faites entrer l’accusé, Le magazine de la Santé ou Les maternelles».
Une société appartenant à TF1 pourrait ainsi détenir bientôt les droits des grandes fictions de l’audiovisuel public. France Télévisions a déclaré ne pas faire «d’autres commentaires à ce stade», tout comme Newen qui n’a pas souhaité s’exprimer.
Au ministère de la Culture, on souligne qu’«il est particulièrement important que l’indépendance éditoriale (de Newen) soit garantie, notamment au regard de ses liens avec le service public».
La rue de Valois voit par ailleurs favorablement ces rapprochements «qui renforcent et structurent le secteur de la production audiovisuelle tricolore. Alors que ce fleuron français était voué à un rachat étranger, il trouve dans notre pays les moyens de se développer et de rayonner à l’international».
La société, qui propose actuellement plus de 1.300 heures de programmes par an au sein de ses 4 filiales Telfrance, Capa, Be Aware et 17 juin Media, distribue ses productions dans plus de 80 pays à travers le monde à l’instar de «Versailles» sur la vie du roi Louis XIV, la série la plus chère de l’histoire de la télévision française.
«Le rachat d’un producteur européen est une bonne nouvelle pour le groupe TF1, estime le courtier parisien Gilbert Dupont. Ce dernier va pouvoir diversifier ses revenus dans la production mais également à l’international». Fort d’une trésorerie estimée à plus de 730 millions d’euros, TF1 a enfin décidé de s’appuyer sur ce trésor de guerre important pour mener à bien cette ambition.
Champions mondiaux
Troisième producteur français, Newen aurait généré un chiffre d’affaires d’environ 200 millions d’euros, selon Gilbert Dupont, citant «certains articles de presse».
Cette annonce stratégique, qui intervient au lendemain de l’annonce de l’arrivée en février prochain de Gilles Pélisson à la tête de TF1 en remplacement de Nonce Paolini, «laisse certainement des marges de manoeuvre pour d’autres opérations», analyse Philippe Bailly, du cabinet d’analystes NPA.
Cette opération marque surtout un signe supplémentaire de la volonté des grands groupes audiovisuels comme TF1 de renforcer leurs moyens de production de contenus, nouveau nerf de la guerre des médias.
Pour les producteurs comme Newen, le fait de s’associer à un grand groupe témoigne de la nécessité de disposer de davantage de moyens, dans un contexte de vaste mouvement de rapprochement entre acteurs du secteur pour faire émerger des champions européens voire mondiaux.
Vivendi, propriétaire de Canal+, avait ainsi annoncé début septembre vouloir prendre une prise de participation minoritaire dans le groupe qui naîtra de la fusion des sociétés de production européennes Banijay et Zodiak, futur troisième groupe mondial de création de programmes.
«Dans le secteur de la production, il y a la constitution de groupes internationaux de plus en plus puissants. Cela posait à Newen la question de savoir s’il avait la taille critique pour pouvoir rester un acteur majeur dans le paysage de la production de demain», explique Philippe Bailly.
AFP/M.R.