Les autorités bulgares ont renvoyé jeudi en France Fritz-Joly Joachin, un proche des frères Kouachi soupçonné d’avoir voulu rallier les zones jihadistes syriennes avec son fils, mais intercepté en Bulgarie une semaine avant l’attentat contre « Charlie Hebdo ».
Ce Français de 28 ans d’origine haïtienne a nié être au courant des projets des frères Kouachi, tout en admettant connaître de longue date l’un des deux. (photos : AFP)
Il a été mis en examen pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme » par un juge antiterroriste parisien avant qu’un magistrat spécialisé n’ordonne jeudi soir son placement en détention provisoire, a indiqué une source judiciaire.
Rien ne permet en l’état des investigations de dire que ce Français de 28 ans d’origine haïtienne était au courant des projets des frères Kouachi, tués le 9 janvier, deux jours après avoir assassiné 12 personnes dans les locaux de l’hebdomadaire satirique et à proximité. Il l’a nié, tout en admettant connaître de longue date Chérif Kouachi.
Son départ de France en compagnie d’un ex-jihadiste s’ajoute toutefois à d’autres départs suspects vers la Syrie de proches des tueurs quelques jours avant les attaques, et constitue une interrogation de plus pour Nathalie Poux, Laurence Le Vert et Christophe Teissier, les magistrats antiterroristes instruisant l’enquête complexe sur les attentats parisiens.
L’enquête qui vaut à Fritz-Joly Joachin une mise en examen trouve son origine, elle, le 30 décembre, quand son épouse signale au commissariat de Bobigny son départ avec leur fils de trois ans, redoutant qu’il ne tente de l’emmener en Syrie. Un mandat d’arrêt est lancé pour « soustraction d’enfant », ce qui permet aux autorités bulgares d’intercepter le 1er janvier Fritz-Joly Joachin dans un car.
Il voyage alors en compagnie d’une autre famille, celle de Cheikhou Diakhabi, un Parisien connu des services antiterroristes pour avoir été capturé en 2004, alors qu’il n’avait que 19 ans, par les forces américaines à Falloujah, alors bastion d’Al-Qaïda en Irak. Condamné à sept ans de prison en Irak, il a été libéré en 2011.
> Vétéran français du jihad en Irak
Sans mandat pour les interpeller, les Bulgares laissent passer Cheikhou Diakhabi, son épouse et leur enfant, qui sont finalement cueillis le 2 janvier par les Turcs, au moment où ils tentent d’entrer en Syrie. Ils ont été renvoyés en France le 21 janvier. Cheikhou Diakhabi a été mis en examen pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme » et écroué. Son épouse, sœur d’un homme détenu dans une enquête sur une autre filière jihadiste, a été remise en liberté à l’issue de sa garde à vue.
Mis en examen jeudi, Fritz-Joly Joachin intéressera aussi les trois magistrats enquêtant sur les attaques qui, dans leur quête d’éventuels complices, doivent replacer Saïd et Chérif Kouachi ainsi qu’Amédy Coulibaly — le tueur de Montrouge et de la Porte de Vincennes — dans une cartographie complexe de l’islamisme radical. Lors de son audience d’extradition en Bulgarie, Fritz-Joly Joachin avait « dit au tribunal qu’il était l’ami de longue date » de Chérif Kouachi mais « qu’il ne pouvait être tenu responsable » de ses actes, selon une magistrate bulgare.
Selon une source proche de l’enquête française, les magistrats devraient se pencher sur les relations de Fritz-Joly Joachin avec plusieurs protagonistes de « la filière des Buttes Chaumont », et notamment un autre vétéran français du jihad en Irak, Peter Chérif.
Également arrêté en 2004 à Falloujah, cet homme était parvenu à s’évader de sa prison irakienne en 2007 avant de se rendre l’année suivante aux autorités françaises et d’effectuer 17 mois de détention provisoire. Il avait comparu libre à son procès en 2011 mais ne s’était pas présenté le jour où le tribunal l’avait condamné à cinq ans de prison. Il est aujourd’hui toujours en fuite.
C’est dans cette même affaire de la « filière des Buttes Chaumont » que Chérif Kouachi avait écopé de trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis. D’autres départs suspects sont intervenus début janvier : ceux des frères Belhoucine, soupçonnés d’avoir accompagné en Syrie Hayat Boumeddiene, compagne d’Amédy Coulibaly.
AFP