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L’entretien du mercredi – « Les gens ne se rendent pas compte à quel point c’est difficile »


Marcel Ewen ne pourra que compter sur Océane de Tatihou pour tenter d'obtenir un bon résultat au Grand Prix de Roeser, qui commence demain. (Photo : DR)

Soutenu par le vice-président de la fédération azérie depuis le début de l’année, MARCEL EWEN est devenu le n°1luxembourgeois, même s’il ne pourra vraisemblablement pas briller à Roeser, dès demain. Il s’explique.

Quel effet ça fait d’être numéro un luxembourgeois ?

Marcel Ewen : Je n’étais encore jamais arrivé à ce niveau-là. Au début de l’année, j’étais classé 1 100e. Maintenant, je suis 375e. Et ce n’est pas fini. Terminer deuxième d’un CSI4* (NDLR : à Bakou, début mai), c’est top, c’était un beau moment. Tout le monde parle toujours de Charlotte (NDLR : Bettendorf, 435e mondiale)… Mais elle est derrière moi (il éclate de rire). Après, c’est vrai que c’est plus facile d’obtenir des points FEI en Azerbaïdjan.

Justement, parlez-nous de vos relations avec l’Azerbaïdjan…

Ça a commencé l’année où j’ai fait troisième au derby de Hambourg (NDLR : un CSI3* en 2011). Le président de la fédération azérie m’avait invité à venir chez lui visiter ses installations. Il voulait me recruter en tant qu’entraîneur. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré ce personnage qui allait devenir mon « patron » aujourd’hui, Mammadov Mahmud Nadirovich. À l’époque, il était impossible de se parler car il ne faisait pas partie de la fédération. Il n’était pas dans les discussions. Aujourd’hui, il en est le vice-président. Bref, à l’époque, les tractations avec la fédération s’étaient arrêtées. Jusqu’à l’année dernière. J’ai vu une annonce sur le net. Une offre similaire. J’y ai répondu et ils m’ont dit de revenir. Une semaine après, j’étais là-bas.

Comment les avez-vous convaincus ?

Ça a été un long processus. Ils ont voulu voir comment je montais, si ça collait avec les chevaux. À chaque fois que j’y retournais, il y avait un peu plus de confiance entre nous. À partir du deuxième concours, ça a commencé à fonctionner.

Qu’avez-vous trouvé là-bas ?

Ils ont une équipe militaire qui dispose d’excellents chevaux. Ils les achètent en Europe. Ils en ont trois de très haut niveau sur lesquels je ne peux malheureusement pas compter à Roeser car ils devraient rester en quarantaine un mois en Russie, à Moscou, avant d’avoir le droit d’entrer sur le sol européen. C’est compliqué. Pour amener des chevaux là-bas, c’est facile. Mais pour les faire venir… Si je les avais ici, je pourrais faire de très bonnes choses. Je pourrais participer à n’importe quel concours, même les plus importants. Mais pour mon sponsor (NDLR : on lui prête uniquement des chevaux), c’est mieux que je les monte en Azerbaïdjan.

Il n’y a aucun espoir de les voir débarquer au Luxembourg ?

Il (Mammadov Mahmud Nadirovich) a envisagé de les amener en Europe. Mais… (il sourit) Déjà, rien qu’avec eux, c’est compliqué! Un jour, on t’appelle pour te demander de faire le concours du week-end qui vient. On ne sait jamais à quoi s’attendre, on ne peut pas vraiment planifier les choses.

Quelle est votre mission, alors ?

Je participe aux concours en Azerbaïdjan, dans les pays de l’Est aussi, à Saint-Pétersbourg. Et plus tard, peut-être à Doha, au Qatar. Ça m’arrange bien car je peux chercher des points FEI sans avoir besoin d’entretenir les chevaux. À ce niveau-là, ça coûte très cher. Ce qui compte pour moi, c’est de remplir les critères fixés par l’armée, à savoir être dans les 500 mondiaux, pour que mon contrat soit renouvelé chaque année.

Où en êtes-vous à ce niveau-là ?

Ça fait dix ans que je suis en contrat avec l’armée. J’ai encore droit à cinq années, si je remplis les critères.

Comment vivez-vous cette pression de ne jamais être certain d’être renouvelé l’année suivante ?

C’est bien, car ça fait avancer. Mais c’est difficile. On ne dépend pas que de nous, mais de notre monture. Avec une vache, on ne peut rien faire. Quand j’ai commencé il y a dix ans, il y avait 950 cavaliers dans le classement mondial et les critères au Luxembourg, pour faire partie du cadre élite du COSL (Comité olympique et sportif luxembourgeois), c’était de faire deux fautes maximum dans un Grand Prix trois étoiles. Maintenant, il faut être dans les 500 premiers mondiaux alors qu’on est 2 500 cavaliers.

Pour marquer des points dans un concours, il faut être dans les 15 premiers et quand tu es quinzième, t’as cinq points. Pour être dans les 500 premiers, il t’en faut 280 à peu près. Les gens ne se rendent pas compte à quel point c’est difficile. L’Arabie saoudite a été troisième aux JO-2012 avec un budget de 20 millions d’euros. Donnez-nous la même somme et on pourra aussi faire quelque chose. Notre fédération nous donne 1 000 euros pour nous payer le gasoil aux championnats d’Europe et on doit se payer nos vestes aux couleurs du Luxembourg. C’est triste…

Raphaël Ferber

Retrouver l’intégralité de l’entretien du mercredi dans Le Quotidien papier de ce jeudi.

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