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L’avocat d’Abdeslam inflexible devant la France


Sven Mary, l'avocat belge de Salah Abdeslam, à son arrivée au siège de la police judiciaire fédérale à Bruxelles le 19 mars 2016. (Photo : AFP)

L’avocat bruxellois Sven Mary, choisi par le suspect clé des attentats de Paris Salah Abdeslam pour assurer sa défense après son arrestation vendredi, est l’un des pénalistes les plus réputés de Belgique et un redoutable procédurier, qui n’entend pas plier face à l’énorme pression de la justice française.

Ce quadragénaire au crâne rasé et à la barbe naissante, parfait bilingue néerlandais-français, a fait une nouvelle fois preuve de sa pugnacité dimanche en annonçant qu’il allait porter plainte pour violation du secret de l’instruction contre le procureur de Paris, François Molins. Le ténor du barreau, décrit comme «l’un des dix meilleurs avocats pénalistes» de Bruxelles par le quotidien La Capitale, reproche à François Molins d’avoir dévoilé samedi des éléments du premier interrogatoire de Salah Abdeslam après son arrestation.

«La lecture d’une partie de l’audition de Salah Abdeslam en conférence de presse constitue une violation» du secret de l’instruction, a estimé dimanche Sven Mary. François Molins avait révélé qu’Abdeslam avait affirmé aux enquêteurs belges qu’il «voulait se faire exploser au stade de France» le soir des attentats, avant de faire «machine arrière». Pour Me Mary, «Salah Abdeslam est d’une importance capitale pour cette enquête». «Je dirais même qu’il vaut de l’or. Il collabore, il communique, il ne maintient pas son droit au silence. Je pense qu’il serait intéressant de laisser maintenant le temps au temps, pour que je puisse en parler avec lui, pour que les enquêteurs puissent parler avec lui», a-t-il estimé dimanche sur la télévision publique RTBF.

L’avocat bruxellois, qui a joué dans les équipes de jeunes d’Anderlecht, le prestigieux club de la capitale belge, avant qu’une blessure ne l’empêche de réaliser son rêve de carrière dans le football, considère que l’attaque reste la meilleure des défenses. Il a annoncé en sortant samedi, en veste kaki sur T-shirt noir, des locaux de la police judiciaire de Bruxelles où il a rencontré Salah Abdeslam pendant une dizaine de minutes, que ce dernier s’opposerait à sa remise à la France. Une requête exprimée dans un mandat d’arrêt européen délivré par la justice française, intéressée au plus haut point par le dernier survivant des commandos de Paris, qui ont fait 130 morts et des centaines de blessés le 13 novembre.

«A un moment, il faut arrêter de s’agenouiller, de vivre sur ce sentiment de culpabilité qu’on semble avoir en Belgique, vis-à-vis de la France, depuis les attentats. On a l’impression qu’il suffit qu’elle claque des doigts… Il faut d’abord balayer sur son propre trottoir avant d’aller sur celui d’un autre», a-t-il lancé dans une interview au quotidien La Dernière Heure.

« Lutter contre l’arbitraire »

Sven Mary, qui a notamment défendu le chef du groupuscule salafiste Sharia4Belgium Fouad Belkacem, avait été approché fin 2015 par l’entourage de Salah Abdeslam, à la recherche d’un éventuel avocat si le fugitif le plus recherché d’Europe était arrêté. Au quotidien Le Soir, il avait expliqué: «Moi, ce qui me motive, c’est de lutter contre l’arbitraire et l’abus de pouvoir. Et là, on est en plein dedans», disait-il à propos du volet belge de l’enquête sur les attaques de Paris, en partie fomentées depuis la Belgique.

«Vous vous souvenez de ces conférences de presse données, en direct, par le parquet fédéral dans les jours, et même les nuits, qui ont suivi les attentats de Paris? Moi, elle m’a écœuré cette façon de surfer sur la peur pour obtenir encore plus de pouvoir», arguait-il.

A nouveau sollicité par un proche de Salah Abdeslam après son arrestation, Me Mary n’a pas longtemps hésité, tout en reconnaissant qu’un «dossier comme celui-là, ça change la vie», y compris «celle des proches». Malgré la pression, le père de famille a décidé d’aller de l’avant. «J’ai choisi mon métier et ma spécialité et j’assume. Les attentats parisiens m’ont révulsé et j’ai des idées personnelles au sujet du jihadisme qu’on ne m’enlèvera pas de la tête. Mais mon mandat est de défendre les personnes qui me demandent de le faire», a expliqué Sven Mary dans la presse locale.

Il a toutefois posé une condition: que Salah Abdelslam ne nie pas sa présence à Paris le 13 novembre. Une ligne que le Français d’origine marocaine de 26 ans, qui a grandi à Molenbeek, a suivie lors de son premier interrogatoire. Pour le reste, Sven Mary, qui avait dû s’y prendre à trois reprises pour réussir sa première année de droit à l’université néerlandophone de Bruxelles (VUB) ne dément pas son goût pour les arcanes du code pénal. «J’aime le droit. Les règles de procédures sont capitales. Tout avocat, s’il a un peu de fierté, est par définition procédurier», a-t-il assuré.

Le Quotidien/AFP

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