Embrassades et accolades avec sa famille, le journaliste Loup Bureau s’est dit « très soulagé » d’être de retour en France dimanche matin à son arrivée à l’aéroport de Roissy CGD, après avoir été expulsé de Turquie à l’issue de plus de 50 jours de détention.
Visiblement fatigué, le reporter de 27 ans a dit à la presse avoir été « jusqu’au bout dans l’incertitude de pouvoir partir » de Turquie où il est accusé d’appartenance à « une organisation terroriste armée ».
Ses conditions de détention étaient au départ « un peu compliquées » mais « à partir du moment où Emmanuel Macron a annoncé qu’il demandait ma libération, il y a eu des changements, les gardiens ont commencé à comprendre que je n’étais pas un terroriste, que les faits qui m’étaient reprochés n’étaient pas forcément vrais ». En prison « j’ai été bien traité, j’avais de quoi manger, les gardiens étaient à ma disposition », a-t-il ajouté.
Sa famille, sa petite amie et la ministre de la Culture Françoise Nyssen étaient présents pour l’accueillir et le président Emmanuel Marcon lui a parlé par téléphone, lui disant de « profiter des prochains jours » et de « se reposer ».
« Menaces et intimidations »
« Je n’est pas été maltraité physiquement mais il y a eu des menaces, des intimidations. J’ai été en garde à vue pendant six jours avant d’aller en prison. C’est à ce moment là où ça a été plus compliqué », a raconté le journaliste.
Cette libération est intervenue dans la foulée d’une visite du chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian à Ankara. Fin août le président Macron avait demandé sa « libération rapide » à son homologue turc Recep Tayyip Erdogan.
La libération de Loup Bureau, incarcéré à Sirnak, ville du sud-est de la Turquie, avait été annoncée vendredi. Interrogé sur une éventuelle contrepartie à cette libération, l’avocat de Loup Bureau, Martin Pradel avait déclaré samedi: « Je n’ai aucune raison de le penser ». Le journaliste avait été interpellé le 26 juillet à la frontière turco-irakienne, après la découverte en sa possession de photos le montrant en compagnie de combattants kurdes syriens des YPG (mouvement considéré comme une émanation du PKK et donc comme « terroriste » par Ankara).
« La situation en Turquie n’a pas changé »
Ces images datent, selon sa défense, d’un reportage sur les conditions de vie des populations syriennes réalisé en 2013 et diffusé sur TV5 Monde. Les ennuis ne sont pas pour autant totalement terminés pour Loup Bureau, qui est toujours sous le coup d’une inculpation.
« Maintenant, il y a un autre combat à mener parce que le procès qui va suivre – on n’a pas encore la date- peut le condamner. Et s’il est condamné, il est sous la menace d’un mandat d’Interpol et donc il ne peut plus faire son métier, cela limiterait ses possibilité de déplacement. La deuxième chose essentielle est qu’il soit lavé de tout soupçon », a dit son père.
Reporters sans frontières (RSF), qui a fait campagne pour Loup Bureau, s’est félicitée de cette libération, fruit d' »un travail collectif » de l’ONG, des médias, des pouvoirs publics et de sa famille. « Mais n’oublions pas qu’il y a 160 à 180 journalistes turcs en prison. La libération de Loup Bureau est un événement bienvenu mais la situation en Turquie n’a pas changé », a déclaré Pierre Haski, président de RSF, présent à l’aéroport.
Avant Loup Bureau, en mai, Mathias Depardon, un photojournaliste français, avait lui aussi été arrêté dans le sud-est de la Turquie, soupçonné de « propagande terroriste » pour le compte du PKK pour avoir diffusé sur les réseaux sociaux des photos prises lors d’un reportage. Il avait été expulsé après un mois de détention.
Le Quotidien/AFP