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Enfants de jihadistes : un pas vers le rapatriement en France


A leur arrivée en France, les enfants rapatriés seront confiés aux services de l'Aide sociale à l'enfance, puis à des familles d'accueil. Nombre de leurs grands-parents français souhaitent les récupérer. (illustration AFP)

Paris a fait récemment un pas vers le rapatriement d’enfants de jihadistes détenus en Syrie. Mais combien seront-ils et comment seront-ils suivis ? Si le Quai d’Orsay avance quelques pistes, de nombreuses questions restent en suspens sur ce processus complexe.

A la mi-septembre dans le nord-est syrien, un petit garçon de 18 mois, fils d’une Française détenue au camp de Roj, est mort par accident écrasé par une jeep de gardes kurdes, selon des sources concordantes sur place. Il s’agit du premier décès d’enfant de Français recensé dans les camps du nord-est syrien où sont détenues des dizaines de femmes et enfants de jihadistes capturés depuis un an et demi par les forces kurdes au fil de la déconfiture militaire de Daech (EI). Un drame déploré par les avocats et familles de ces prisonniers français, qui dénoncent leur « détention illégale », les Kurdes n’ayant pas d’État reconnu, dans des « conditions sanitaires déplorables ».

Des conditions strictes

Fin octobre, le Quai d’Orsay, après plusieurs mois d’enquête en Syrie, a annoncé vouloir « agir et accélérer » les rapatriements d’enfants au nom de leur « intérêt supérieur ». Et parce qu' »on n’a pas envie d’avoir des petits jihadistes français qui se baladent partout », explique une source française. Combien seront concernés ? Le Quai d’Orsay parle de 150 enfants, dont 80% ont moins de 6 ans et aucun plus de 13 ans, détenus avec une soixantaine de femmes, dont une quarantaine de mères.

Sans préciser qui sont détenus par les Kurdes et combien sont dans d’autres zones, y compris les rares encore tenues par l’EI. Près de 500 enfants de Français étaient recensés dans la zone début 2018 : une partie d’entre eux a pu fuir à l’étranger avec leurs familles, d’autres ont été tués dans des bombardements de la coalition anti-EI, à laquelle participe la France. Paris, qui marche sur des œufs face à une opinion publique marquée par les attentats jihadistes, a posé ses conditions au rapatriement. Il ne concerne que les enfants, pas les adultes qui « doivent être jugés en Syrie », note la source française. Chaque rapatriement sera étudié « au cas par cas », dit-elle, nourrissant l’incertitude sur le nombre de retours envisagés.

Les mères qui souhaitent voir leur enfants revenir en France devront donc accepter de s’en séparer, sans savoir donc si elles les reverront un jour. Mais les écueils au départ restent nombreux, des questions logistiques (via l’Irak, la Turquie ?) à la vérification parfois épineuse des identités. Y aura-t-il une limite d’âge ? En janvier, la ministre de la Justice Nicole Belloubet avait avancé que les enfants pourraient être rapatriés notamment s’ils ont moins de 8 ans.

Tout enfant potentiellement « récupérable »

Les pédopsychiatres mettent de leur côté en garde contre toute règle générale, soulignant que tout enfant est potentiellement « récupérable » avec un bon traitement. Le docteur Serge Hefez, qui a suivi une vingtaine d’enfants « revenants » âgés de 6 mois à 15 ans, a vu des personnalités « potentiellement fragiles » mais « pas potentiellement dangereuses », plus traumatisées par la guerre que par l’endoctrinement. Serge Hefez comme la pédopsychiatre Gisèle Apter soulignent également que séparer soudainement un enfant de sa mère ne fera que compliquer sa réadaptation à la société. « C’est ce qu’ils ont vécu qui détermine le traitement. Si on n’a pas les parents pour expliquer l’histoire, ça va être plus compliqué », note Gisèle Apter.

Mais le gouvernement français reste inflexible sur le sort des adultes. Pour Paris, « 8 femmes sur 10 qui sont parties là-bas sont des militantes », note la source française. Une vision contestée par leurs avocats, qui soulignent qu’elles n’ont pas combattu et invoquent leur droit à « un procès équitable » en France.

A leur arrivée en France, les enfants rapatriés seront confiés aux services de l’Aide sociale à l’enfance, puis à des familles d’accueil. Nombre de leurs grands-parents français souhaitent les récupérer mais n’ont pas eu de réponse des autorités jusqu’ici, affirme Véronique Roy-Burin, fondatrice d’un collectif rassemblant une cinquantaine de familles concernées. « J’espère les accueillir, leur donner une éducation, essayer de leur faire oublier ce qu’ils ont vécu », a expliqué mercredi une femme dont la fille et les trois petits-enfants sont détenus par les Kurdes en Syrie. Pour Véronique Roy-Burin, « une famille d’accueil, aussi bonne soit-elle, ne remplacera jamais l’amour des grands-parents ».

LQ/AFP

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