Des millions cachés dans les îles vierges britanniques ou au Luxembourg pendant quinze ans : l’industriel et sénateur de droite Serge Dassault, jugé en janvier pour blanchiment de fraude fiscale, sera fixé sur son sort jeudi.
Le parquet national financier (PNF) a requis cinq ans d’inéligibilité, deux ans de prison avec sursis et neuf millions d’euros d’amende contre le sénateur LR (Les Républicains), un élu qui « a piétiné toutes les lois qu’il a votées sur le thème de la fiscalité » et « trahi son mandat ».
Le PDG du groupe Dassault, un des fleurons de l’industrie française de l’armement, est accusé d’avoir dissimulé au fisc des dizaines de millions d’euros pendant 15 ans. En cause, les comptes de quatre fondations et sociétés, basées au Luxembourg et au Liechtenstein, qui ont abrité jusqu’à 31 millions d’euros en 2006, près de 12 millions en 2014. Il lui est également reproché d’avoir omis dans ses déclarations de patrimoine près de 12 millions d’euros en 2014 et 16 millions en 2011.
Il a depuis régularisé sa situation, tant auprès de l’administration fiscale – il a réglé près de 19 millions d’euros pour huit ans de redressement fiscal – que de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui avait saisi la justice. Son procès, interrompu en juillet pour permettre de nouvelles auditions dont la sienne, avait repris mi-janvier. L’avionneur et patron de presse, 91 ans, ne s’est pas présenté devant le tribunal correctionnel de Paris, mais a contesté tout délit.
« Procès le plus symbolique » après Cahuzac
Dans des courriers, il a affirmé avoir hérité de ces fonds, qui appartenaient à son père, le pionnier de l’aéronautique français mort en 1986, puis à sa mère, décédée en 1992. Il assure n’avoir appris leur existence que sur le tard. Dénonçant le choix de Serge Dassault de ne pas se présenter à l’audience, la procureur avait raillé les vœux de l’industriel dans son journal, le Figaro, où il s’inquiétait de la dette du pays.
Alors qu’il a « tant d’idées pour redresser les comptes publics, il n’évoque pas la fraude fiscale », avait ironisé la magistrate, estimant qu’il s’agissait du « deuxième procès le plus symbolique » en la matière « après l’affaire Cahuzac », l’ex-ministre du Budget condamné en décembre à trois ans de prison pour fraude fiscale. Si le tribunal suivait les réquisitions, ce serait la deuxième fois que le sénateur Les Républicains perdrait un mandat électoral sur décision de justice.
En 2009, le Conseil d’État avait annulé sa réélection à la mairie de Corbeil-Essonnes (Essonne) l’année précédente en raison de « dons d’argent » et avait déclaré M. Dassault, qui avait ravi cette ville aux communistes en 1995, inéligible pendant un an. L’existence de « cagnottes » au Luxembourg et au Liechtenstein avait déjà été évoquée dans le cadre de l’enquête sur un système présumé d’achats de voix lors des campagnes municipales de Corbeil-Essonnes en 2009 et 2010. Affaire dans laquelle Serge Dassault est mis en examen et qui est toujours en cours d’instruction.
À l’issue de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris, si Serge Dassault était déclaré inéligible, il ne perdrait son siège de sénateur qu’une fois la décision de la justice devenue définitive – c’est-à-dire après éventuel appel, pourvoi en cassation -, ce qui semble impossible avant les prochaines élections sénatoriales de 2017. Soutien de l’ancien président Nicolas Sarkozy, classé en 2016 5e fortune de France par le magazine Challenges, Serge Dassault est actuellement le doyen des sénateurs.
Le Quotidien