À moins d’un mois d’un procès en appel, le Comité de solidarité avec les inculpés du procès LuxLeaks et Tax Justice Lëtzebuerg font le point sur la situation des lanceurs d’alerte, jeudi soir.
Antoine Deltour sera aux côtés de Cannelle Lavite, spécialiste de la situation juridique des lanceurs d’alerte, jeudi soir à 19h au cours d’une conférence aux Rotondes, à Bonnevoie. L’occasion de faire le point sur les lois définissant et protégeant les lanceurs d’alerte en Europe et au Luxembourg.
En novembre 2014 éclatait le scandale LuxLeaks, révélant comment les plus puissantes multinationales de la planète fraudent les impôts dans de nombreux pays grâce à un astucieux système de rescrits fiscaux (rulings) proposé par l’administration luxembourgeoise. Des milliers de documents détaillaient ces arrangements conclus entre le fisc luxembourgeois et le cabinet de PWC mandaté par des multinationales pour «optimiser» leur fiscalité. Ces documents avaient été divulgués grâce à deux anciens salariés de PWC, Antoine Deltour et Raphaël Halet, et révélés par le journaliste Édouard Perrin dans l’émission Cash investigation diffusée sur France 2. Au printemps, les trois hommes ont été jugés en première instance à Luxembourg, les deux lanceurs d’alerte étant condamnés et le journaliste acquitté.
Un procès en appel se tiendra à partir du 12 décembre. Avant cela, le Comité de solidarité avec les inculpés du procès LuxLeaks et Tax Justice Lëtzebuerg vont organiser plusieurs rendez-vous avec le public dont le premier se tient ce soir à Luxembourg. Il sera consacré au statut juridique des lanceurs d’alerte et verra l’intervention d’Antoine Deltour et Cannelle Lavite, chercheuse au Centre de droit européen de l’université de Brême.
«La situation des lanceurs d’alerte est vulnérable et elle l’est d’autant plus en Europe que le phénomène des lanceurs d’alerte y est récent», a noté mercredi la juriste au cours d’une conférence de presse au Casino syndical à Luxembourg. «Il y a des initiatives positives et une mobilisation croissante pour accorder une protection et un statut aux lanceurs d’alerte», se réjouit Cannelle Lavite, qui cite notamment l’adoption définitive de la loi Sapin 2 en France, le 8 novembre.
«Des mouvements rétrogrades»
Mais les législations adoptées dans les différents pays européens sont inégales et Cannelle Lavite cite en exemple «une nouvelle dynamique du droit» avec les lois adoptées ces deux dernières années par quatre pays d’Europe du Sud-Est et de l’Est : Bosnie, Albanie, Roumanie et Ukraine. Globalement, la protection des lanceurs d’alerte avance, quand bien même les lois en la matière sont loin d’être parfaites.
«Des mouvements rétrogrades essaient de casser cette dynamique», déplore la juriste qui est également membre de Blueprint for Free Speech, une ONG liée à l’université de Brême. Elle cite la désormais fameuse directive «secret des affaires» de la Commission européenne, adoptée au printemps dernier par le Parlement européen. Ce texte «criminalise les révélations, comme cela est le cas dans l’affaire LuxLeaks». Une affaire dont le procès en première instance a abouti «à un jugement ambivalent qui reconnaît la qualité de lanceurs d’alerte d’Antoine Deltour et Raphaël Halet tout en les condamnant, car on estime qu’ils sont allés trop loin», constate Cannelle Lavite.
Un avis partagé par Justin Turpel, du Comité de solidarité avec les lanceurs d’alerte, et le journaliste du procès LuxLeaks, et par Mike Mathias, de Tax Justice Lëtzebuerg, présents mercredi. Tout comme Cannelle Lavite, ils estiment qu’un lanceur d’alerte se définit d’abord en fonction de l’intérêt général que représentent ses révélations, indépendamment de la légalité ou non des actes qu’il dénonce. Ils rappellent tous trois que cette définition s’inscrit parfaitement dans la logique de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme à laquelle adhère le Luxembourg. Cette convention protège aussi très étroitement les journalistes dont le travail permet de porter à la connaissance du grand public les révélations comme celles de LuxLeaks. Dans ce sens, «l’appel contre Édouard Perrin est grave», affirme Justin Turpel. L’ancien député déi Lénk de poursuivre : «Il faut bien comprendre qu’Édouard Perrin n’a pas été acquitté parce qu’il est journaliste, mais parce que la justicemanquait de preuves pour le condamner comme complice des fuites. La logique du procureur général est qu’il veut une condamnation, car il a révélé des choses graves. Cela va à l’encontre de la liberté et du rôle de la presse.»
Fabien Grasser
«Lanceurs d’alerte et droit à l’information en danger!» Conférence avec Cannelle Lavite et Antoine Deltour, jeudi à 19 h aux Rotondes à Luxembourg.