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Vendanges sous glace


Les vignes produisent beaucoup de raisin cette année. Jeff Konsbruck est rassuré. (Photos : mélanie maps)

Un bon 26 °C sous le soleil, c’est parfait pour sortir les glaçons. Pas pour rafraîchir les cocktails, mais plutôt les baies de pinot noir de la Winery Jeff Konsbruck (à Ahn), qui vont ainsi macérer dans les meilleures conditions.

Jeudi, peu après le repas de midi pris avec les vendangeurs dans la cave voûtée de la maison familiale au milieu du village d’Ahn, le ciel était devenu presque entièrement bleu. Cela tranchait avec les premières heures de la matinée, passées sous une cloche de nuages sombres qui ont même semé quelques gouttes par moments.

Avec l’aide d’un de ses ouvriers, le jeune vigneron Jeff Konsbruck installe l’égrappoir dans la cour de la cave. La machine, un bac en inox ouvert sur le fond et muni d’une vis sans fin à l’intérieur, va permettre de séparer les baies des rafles. Sous l’impulsion du mécanisme, les grains de raisin tombent dans le bac en plastique juste en dessous alors que les petites branches sont éjectées sur le côté, dans un autre bac. À la fin de l’opération, le bac des raisins est presque rempli et le vigneron satisfait : «Au niveau des quantités, cette année, on ne devrait pas être mal si les conditions météo restent favorables.»

Avant toute autre chose, il se charge de récupérer les coccinelles qui se trouvent sur les raisins ou qui flottent sur le jus. Il y en a des dizaines et des dizaines, impressionnant! Et réconfortant aussi, ces petits insectes sont de vrais marqueurs environnementaux qui ne supportent pas les milieux mis à mal par la chimie. Jeff Konsbruck n’est pas bio, « à cause du cuivre », mais il travaille en conscience en respectant la nature. Le sauvetage des coccinelles est aussi motivé par une cause plus prosaïque : «Si on les laissait, elles donneraient un mauvais goût au vin, une sensation âcre.»

thumbnail_Vendanges Jeff Konsbruck 1 @mélanie maps pour yermat

Le nuage de fumée recouvre les baies de pinot noir qui refroidissent dans la glace carbonique à près de -79°.

Glace carbonique à -78,9 °C

Le vigneron peut désormais se munir d’une pelle en plastique et rejoindre une grande boîte isotherme remplie de glace carbonique à -78,9 °C. En deux allers-retours, il vient recouvrir les baies et le jus. Immédiatement, un nuage blanc se crée et s’échappe du bac. Il est dense, opaque, on ne voit plus du tout les raisins. L’effet est saisissant. «Une fois, j’avais une classe de petits en visite, sourit-il. Lorsque j’ai mis la glace, ils étaient impressionnés et ils m’ont demandé ce qu’il se passait. J’ai répondu que l’on avait aussi vendangé le brouillard du matin. Ils ont fait une de ces têtes! »

Évidemment, le rôle de cette glace n’est pas uniquement poétique. Elle a trois missions essentielles : faire baisser la température des raisins, saturer l’atmosphère du bac en gaz carbonique et freiner l’activité des levures. Tout ceci combiné provoque l’effet recherché : le jus qui commence à sortir des baies va rester au contact de la peau et des pépins, ce qui va développer de la couleur et permettre d’extraire de beaux arômes de fruits sans que les fermentations se lancent avec vigueur. Grâce à la saturation en CO2 et à la température très basse, les échanges gazeux seront limités et le jus ne s’oxydera pas, les qualités du fruit seront donc parfaitement préservées. Du moins, tant que la glace n’aura pas complètement fondu! C’est ce que l’on appelle la macération préfermentaire à froid.

Celle-ci sera assez courte puisque Jeff Konsbruck a conduit le bac au pressoir en début de soirée. C’est qu’il ne recherche pas trop d’extraction non plus : «Avec les raisins de cette parcelle, je vais faire du rosé, souligne-t-il. Soit il entrera dans la composition du crémant, soit je le garderai tel quel, pour faire du vin tranquille.» Puisque les procédés d’élaboration sont identiques, il n’a pas à prendre sa décision tout de suite. Cela tombe bien : nous n’en sommes qu’au début des vendanges et rien n’est encore définitivement écrit. Chaque problème en son temps!

Quelle que soit la destination de ce futur vin, le vigneron est serein. Dans la vigne d’où proviennent ces grappes, située sur le lieu-dit drôlement nommé de Kinnekskummer (qui pourrait être traduit en «chambre du roi») à Niederdonven dans l’arrière-pays mosellan, les pieds plantés sur ce coteau en forte pente portaient tous des raisins très sains. Certes, à cause de la chaleur estivale, ils n’ont pas beaucoup grossi, mais ils étaient beaux, nombreux et leur jus très prometteur. Puisque l’adage «on ne fait de beaux vins qu’avec de belles grappes» n’a encore jamais été démenti, c’est donc la confiance qui s’impose!

De notre collaborateur Erwan Nonet

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