Éprouvée par le massacre dans la boîte de nuit gay Pulse à Orlando l’an dernier, Jen Vargas a rejoint la « Police des Anges » : des volontaires qui, armés de leurs seules grandes ailes blanches, veulent faire barrage à l’homophobie.
« C’était répugnant, c’était rageant, cela m’a vraiment fait de la peine », raconte cette femme de 39 ans, tout en enfilant ses ailes de tissu blanc soutenues par des tubes de PVC. Elle se souvient encore de son choc, il y a un an, en apprenant qu’Omar Mateen, citoyen américain d’origine afghane avait, au nom de Daech, tué 49 personnes dans cet établissement de Floride.
Sa première réaction a été de vouloir donner son sang, mais elle manquait de fer. Il n’a fait qu’un tour, cependant, lorsqu’elle a appris que la Westboro Baptist Church -un petit groupe religieux férocement anti-gay- avait l’intention de manifester aux funérailles des victimes. « C’en était trop », lance-t-elle. « J’ai su alors. C’est ce que je veux faire pour contribuer à la guérison. Être le mur entre amour et haine ».
Paix et espoir
Cette productrice multimédia a alors décidé d’intégrer la « Police des Anges » : au coude-à-coude avec d’autres volontaires, elle a protégé les obsèques en se servant de ses grandes ailes pour bloquer la vue des membres de l’église et leurs pancartes « Dieu hait les pédés ».
Une mission de protection qu’elle a renouvelée pour plusieurs événements de la communauté LGBT à Orlando, comme récemment à l’occasion d’un nouvel hommage aux victimes.
« Ça me donne un immense sentiment d’espoir et de paix de les voir à ces événements », indique Shannon Graves, responsable des opérations pour le Centre GLBT du centre de la Floride et capitaine de cette « armée ». « Les Anges donnent une impression de paix, sans forcément qu’ils ne soient associés à quelque chose de tragique », poursuit-elle. « Ils peuvent donner de l’espoir ».
Pour la commémoration lundi de ce triste anniversaire, 49 anges -un pour chacune des victimes- seront présents au Pulse et au lac Eola, situé non loin, où doivent se tenir la plupart des hommages à Orlando.
Cette ville qui compte 260 000 habitants était jusqu’au 12 juin 2016 surtout célèbre pour ses immenses parcs d’attraction comme Disney Word et Studios Universal. Considérée comme l’une des municipalités les plus « accueillantes » pour la communauté gay, elle arbore déjà des symboles commémoratifs, dont des panneaux sur les lampadaires proclamant « Orlando Uni ».
« Militer contre la haine »
Devant la boîte de nuit aux fenêtres condamnées, un tissu aux couleurs de l’arc-en-ciel enveloppe le mur d’enceinte avec des messages tels que « L’amour l’emporte ». Des bougies, des ours en peluche, des fleurs et des colliers ont été déposés devant le bâtiment, qui va bientôt être transformé en musée.
« Je vais continuer à être un Ange, je vais continuer à militer contre la haine », affirme Jen Vargas. « La tolérance et la compassion d’Orlando ne vont pas disparaitre ».
« Ce que fait la Police des Anges est fantastique », relève Yasmin Flasterstein, qui dirige un groupe d’assistance psychologique pour les rescapés du massacre. « C’est vrai que la haine existe, mais il y a aussi tellement plus d’amour ».
L’idée de cette force angélique remonte au meurtre de Matthew Shepard, un étudiant homosexuel de 21 ans torturé à mort en 1998 dans le Wyoming. A l’époque, la Westboro Baptist Church avait fait les gros titres en prévoyant de manifester lors de ses funérailles. Un ami du jeune homme avait alors imaginé un costume d’ange équipé d’ailes géantes afin de cacher les manifestants du regard de l’assistance.
Cette idée a refait surface 18 ans plus tard à Orlando, pour entraver l’initiative du même groupe. L’University of Central Florida (UCF) et le Shakespeare Theater de la ville se sont chargés de dessiner les costumes, et c’est ainsi que la « Police des Anges » est née.
Six mois plus tard, les créateurs ont fait don de 49 des costumes d’origine au Centre GLBT d’Orlando. Et un autre a été offert au Musée national de l’histoire américaine à Washington.
« Les gens comme nous ne peuvent pas comprendre » les manifestations homophobes aux pires heures du deuil, confie Shannon Graves. « Mais heureusement, la Police des Anges fait front ».