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Toxicomanes et sida : une crise sanitaire au Luxembourg


Le pays connaît une augmentation des infections par le VIH parmi les usagers de drogues. (illustration Isabella Finzi)

Le manque de structures d’accueil pour les toxicomanes combiné à la progression de la cocaïne a conduit à l’explosion du nombre de nouvelles infections au VIH parmi cette population.

Des corps pétrifiés qui se traînent sur la montée du pont enjambant les rails, longeant la rocade de Bonnevoie ou traversant au feu rouge le trafic sur la route de Thionville… Des silhouettes squattant dans des abris de fortune des deux côtés de la rue, sur le terrain même du centre de jour Abrigado ou à côté d’un magasin de pneus en face… Telles sont les scènes qui se déroulent tous les jours sous nos yeux, à proximité de cette structure d’accueil pour toxicomanes que Vic Arendt a qualifiée mercredi de «ghetto», en marge de la présentation du dernier rapport sur le sida. Le compte rendu recense 98 nouveaux cas en 2016 et confirme l’augmentation des nouvelles infections par le VIH parmi les usagers de drogues.

Une évolution que l’infectiologue et président du Comité de surveillance du sida attribue à la promiscuité qui règne autour de cette structure où 350 000 seringues ont été échangées rien qu’en 2016. Sauf qu’elle est également la seule structure de ce genre au Luxembourg. Or, avec l’explosion de la consommation de cocaïne par voie intraveineuse, c’est aussi la prise de risque qui a augmenté : la cocaïne consommée de cette façon agit en quelques secondes, mais avec un effet qui dure moins de dix minutes. La «descente» étant brutale, les consommateurs s’injectent donc une dose plus souvent.

Déconnecté du système d’aide et de soins

Si bien que «le risque d’infection est plus élevé ici qu’il ne le serait en présence de structures décentralisées», analyse Vic Arendt. En effet, les tests immunologiques auraient clairement démontré l’existence de «clusters» ou groupes de virus génétiquement proches chez les concernés, qui ne trouvent pas toujours le moyen de se procurer de nouvelles seringues dans un centre Abrigado ouvert jour et nuit mais débordé.

Pour Vic Arendt, le prochain plan national de lutte contre le sida ferait donc bien de prévoir la mise en place de structures d’accueil pour toxicomanes «supplémentaires». S’il salue la mise en place récente d’un service dépendance à la Zithaklinik, la situation demeurerait problématique.

Les modes de contamination principaux restent «les rapports hétérosexuels (39 cas), suivi par les rapports homosexuels et bisexuels (32) et l’usage de drogues par voie intraveineuse (21)», note le ministère de la Santé, qui constate depuis 2014 une «hausse sensible» de la proportion de nouveaux cas d’infection VIH parmi les usagers de drogues. Ainsi, entre janvier 2013 et décembre 2016, 67 nouveaux cas d’infection par le VIH ont été identifiés parmi les usagers de drogue par voie intraveineuse (UDI).

Le Comité de surveillance du sida plaide pour des actions plus ciblées en direction des UDI «hors des circuits de traitements et de soins», par la mise en place ou le renforcement des mesures de prévention et notamment par «une couverture médicale universelle» pour les UDI en décrochage social, comme le propose Vic Arendt, pour qui les consommateurs de drogue par voie intraveineuse représentent clairement la catégorie la plus vulnérable. Une fois qu’ils ont perdu leur situation sociale, leur logement et leur assurance santé, l’épidémie s’étend, donne-t-il à penser.

Voilà pourquoi Vic Arendt salue la décision des ministères de la Santé et de la Sécurité sociale de prendre en charge la prophylaxie préexposition par voie orale (PREP), dans le cadre d’un projet pilote, en cours depuis le 1er avril. La PREP serait un moyen pour cette catégorie spécifique de personnes susceptibles de contracter le VIH de réduire le risque d’infection à travers des médicaments antirétroviraux. Le Luxembourg est actuellement le troisième pays d’Europe après la France et la Norvège à rendre accessible cet outil de prévention.

La ministre de la Santé, Lydia Mutsch, a confirmé la mise en place d’un dispositif mobile qui servira à entrer en contact avec les usagers les plus exposés, afin notamment d’augmenter la couverture du dépistage du VIH et des hépatites infectieuses et de réintégrer ces personnes dans le système d’aide et de soins. En revanche, «la construction de structures supplémentaires n’est pas envisagée pour l’instant», a-t-elle fait savoir.

Frédéric Braun

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