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Sebastian Beyenburg, élève… et prof pour les réfugiés


Sebastian a découvert une myriade de profils différents, sous l'appellation «réfugié». Il a aussi joué le rôle de lien avec un pays, le Luxembourg. (Photo Julien Garroy)

Sebastian Beyenburg est lycéen à l’Athénée. Il a donné des cours de luxembourgeois aux réfugiés durant l’année scolaire. Retour d’expérience.

Sebastian est un lycéen comme un autre. Quand on l’a rencontré, il parlait de ses vacances avec envie, une escapade en train. «On va sur un festival en Flandres avec des amis. On part avec camping sur place et gros sons…» Pourtant, l’année n’a pas été habituelle. «Quelque chose a changé. J’ai découvert la chance que l’on a de vivre dans un pays sécurisé. La chance de notre confort aussi.» Sebastian a donné des cours de luxembourgeois à des réfugiés. La première séance avait démarré au mois d’octobre.

«Je n’ai jamais été scout, je n’ai jamais été dans une association caritative. J’ai dû choisir une activité bénévole dans le cadre de mon année scolaire. Comme je m’intéresse à l’actualité, la problématique des réfugiés était évidente.» De la télé à la rencontre en vrai, «il y a un pas… Au départ, pour mon projet d’étude, quelques séances de cours auraient suffi. Mais je me suis pris au jeu.» Quel jeu ? Celui de passer d’élève à professeur, tous les mardis soir, à partir de 18h30 !

«Le partenariat s’est fait grâce à ma prof de français. Elle m’a orienté vers une structure qui s’appelle le Hariko. C’est à Bonnevoie. Quant au support de cours, c’est le gouvernement qui le fournit. Ce sont des fiches avec les mots et les expressions indispensables pour s’en sortir en luxembourgeois.» Sebastian s’est retrouvé plongé dans un univers radicalement différent. «Le lycée (Athénée) a mené pas mal d’actions en faveur des réfugiés, précise-t-il. Nous avons récolté des fonds, nous avons mené des opérations pour Noël, nous avons même eu la visite du maire d’Alep en exil. Mais rien n’est comparable à la rencontre, semaine après semaine, avec les réfugiés.» Première découverte ? «On a pris l’habitude de construire un imaginaire unique du réfugié, décrit Sébastian. En réalité, il y a un monde entre celui qui vient d’Iran et celui venant d’Érythrée, de Côte d’Ivoire ou de Syrie… Ça paraît évident, mais on a tellement un cliché uniforme en tête…»

Chacun son parcours

Autre paramètre important : tous les réfugiés n’ont pas forcément envie de s’épancher sur leur parcours.

«J’ai dû apprendre à gérer une sorte de ligne imaginaire : être à l’écoute de celui qui veut raconter son histoire, mais respecter l’intimité de chacun.» Des histoires touchantes, Sebastian en a quand même entendu une paire. «Il y avait un papa, qui avait laissé sa femme et ses deux enfants en Syrie. Lui était comme en mission pour réussir en Europe : très déterminé pour apprendre la langue, très déterminé dans tout. Il faisait ça en pensant à sa famille, coincée dans l’enfer là-haut.» D’une semaine à l’autre, Sébastian s’est parfois retrouvé avec un public différent. Certains réfugiés prennent une autre route, les destins se croisent. «J’ai appris à composer avec les cours, sourit-il. Apprendre aux débutants sans freiner ceux qui ont un niveau plus avancé… parler en français et en anglais selon l’origine du réfugié. M’adapter, tout en poursuivant une progression logique.»

Se rendre à Bonnevoie a fini par devenir une habitude. Voir les nouveaux visages, faire le lien avec un nouveau pays, au maximum. «Les réfugiés m’ont souvent demandé quelle était l’importance de la langue luxembourgeoise. Je leur ai expliqué que je ne suis moi-même pas luxembourgeois, qu’on peut très bien s’en sortir en parlant ou français ou allemand ici. Mais que le luxembourgeois crée le lien de tous les jours. C’est la langue parlée spontanément par les gens.»

«Ils passent la frontière tous les jours ?»

Autre interrogation récurrente : «Pourquoi dans les magasins on parle français ? sourit Sebastian. J’ai dû expliquer ce que c’était un frontalier. Dans beaucoup de pays du monde, on ne passe pas tous les jours une frontière facilement. Ça a été une révélation pour eux, de voir que deux pays différents pouvaient oublier leur frontière.»

Sebastian aimerait bien reprendre les cours pour réfugiés à la rentrée. «C’est ma dernière année de lycée, je passe l’Abibac (NDLR : baccalauréat français et son équivalent allemand), je vais avoir pas mal de boulot. Mais j’ai envie de poursuivre cette aventure.»

Quand on lui fait comprendre qu’il a déjà beaucoup donné, Sebastian répond : «Honnêtement, j’y ai gagné aussi, c’est un échange tout ça.» Le jeune homme a aussi joué un rôle de trait d’union avec des gens qui se posaient des questions. «On m’a parfois ressorti certains clichés, c’est inévitable, du style : ‘Alors, les femmes sont toutes voilées ?’ Je réponds juste qu’on a beaucoup plus de choses en commun que de différences avec les réfugiés.»

Hubert Gamelon

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