Accueil | A la Une | Procès Pierson à Arlon : la joggeuse agressée au Luxembourg raconte son calvaire

Procès Pierson à Arlon : la joggeuse agressée au Luxembourg raconte son calvaire


Plus d'une fois, le mot «cauchemar» a retenti au cours du long récit de la jeune Finlandaise, devant la cour d'assises d'Arlon. (photo Fabienne Armborst)

Quelques mois avant l’enlèvement de Béatrice Berlaimont, 14 ans en 2014, par Jérémy Pierson à la frontière belge, une joggeuse avait été agressée à Luxembourg. Elle a témoigné, lundi.

Mon pire cauchemar est devenu réalité.» Plus d’une fois, le mot «cauchemar» a retenti au cours du long récit de la jeune Finlandaise, devant la cour d’assises d’Arlon. «Je pense que ma bonne condition physique et mes cris incessants m’ont sauvé la vie», a témoigné la joggeuse, âgée aujourd’hui de 21 ans.

Comme à son habitude, la lycéenne effectue un jogging ce 12 juin 2014 au parc Laval à Luxembourg-Eich. Il est aux alentours de 21h30. Il fait encore jour, raconte-t-elle. En arrivant au bout du parc, elle voit, à une cinquantaine de mètres, un homme avec un sac plastique à la main.

«L’agresseur avait bien choisi son jour, constatera un policier, plus tard. Car c’était le premier match du Mondial-2014 au Brésil. Le parc était moins fréquenté.»

La joggeuse poursuit sa course en direction de l’homme. «Quand j’ai été à sa hauteur, il m’a adressé la parole», se souvient-elle. Avec ses écouteurs et sa musique, elle ne comprend toutefois pas ce qu’il lui dit. Et puis, tout est allé très vite. «J’ai commencé à me sentir mal à l’aise.Je n’ai pas eu le temps de m’enfuir. J’ai senti une de ses mains me saisissant», relate-t-elle. Pendant ce temps, «son autre main essayait de placer un linge blanc sur mon visage. Je suppose que le tissu était imbibé d’une substance avec laquelle il voulait m’anesthésier.»

«Je me souviens de son sourire dégoûtant»

La jeune victime pense s’être débattue pendant une dizaine de minutes contre son agresseur. Après avoir reçu un coup dans la poitrine, elle perd l’équilibre. «J’ai compris alors qu’il avait un taser et que je luttais pour ma vie.» Elle se souvient avoir reçu une vingtaine de décharges.

Elle raconte s’être débattue de toutes ses forces. «Je l’ai mordu à la main gauche. Son emprise a lâché. Je me suis libérée. J’ai couru. Ma course était vraiment lente comme dans un cauchemar. Il m’a rattrapée. Il m’a poussée dans un buisson épineux.» «Il avait l’air fâché et toujours plus agressif», poursuit-elle. «Je pensais qu’il fallait que je reste consciente, que je crie et que je continue à me débattre…» Et tout à coup, son agresseur s’en est allé.

L’agresseur confondu par son ADN

Elle dit avoir regardé une dernière fois dans sa direction : «Je me souviens de son sourire dégoûtant.» Un grand silence traverse la salle. Après avoir essuyé ses larmes, la victime reprend. Elle se confie alors à la première femme qu’elle rencontre. Depuis un café, elles contactent la police. Nous sommes à ce moment-là près de cinq mois avant l’enlèvement de Béatrice Berlaimont à Arlon.

«Quand Béatrice a disparu, Jérémy a été arrêté. Sur Facebook, j’ai vu une photo de cet homme et j’ai tout de suite reconnu mon agresseur.» Avec sa mère, elle contacte la police : «Sur moi, on avait prélevé l’ADN de mon agresseur et on pouvait le comparer.» Les résultats de cette expertise, elle les a seulement fin janvier 2018 lors de sa convocation au procès à Arlon : «On m’a confirmé que l’ADN de mon agresseur était celui de Jérémy.»

Le jeune femme est entretemps repartie vivre en Finlande. Si elle a gardé quelques marques du taser sur la poitrine, ce sont surtout les impacts psychologiques qui ont laissé leurs traces. Longtemps, elle a eu peur d’être agressée dans la rue. «J’ai aussi été hantée par la peur d’être contaminée par le VIH. Ma crainte était dénuée de tout fondement, mais bien réelle.»

D’un regard impassible, Jérémy Pierson a suivi le récit du témoin. «Maintenant que vous êtes confronté à la victime, est-ce que vous vous souvenez», l’a interrogé l’avocat général Sarah Pollet. «J’en ai aucun souvenir, a murmuré le prévenu. Les horaires correspondent à ceux où je me rendais régulièrement au Luxembourg dans un bar dans le quartier de la Gare.» Mais la cour n’en apprendra pas plus sur l’agression : «Je ne conteste pas les faits. Je ne saurais donner plus d’explications.»

«Nous sommes la voix de Béatrice»

À la fin de son audition, le témoin s’est dit content d’avoir pu raconter son calvaire. «Nous sommes la voix de Béatrice. Elle, malheureusement, ne s’en est pas sortie. Si nous n’étions pas là pour témoigner, Pierson pourrait dire que nous l’avons accompagné de notre plein gré.»

Béatrice Berlaimont a été enlevée sur la route de son école à Arlon le 21 novembre 2014. L’adolescente est morte dans un mirador de chasse en pleine nature, «les mains liées dans le dos et reliées au cou à l’aide d’une corde passant entre les poignets et autour du cou», expose l’acte d’accusation. Son corps a été découvert par un promeneur le 1er décembre dans la sapinière de Sesselich. Aujourd’hui, Jérémy Pierson est notamment accusé de l’avoir enlevée, séquestrée, violée et tuée.

La mère de Béatrice n’a pu retenir ses larmes lundi à l’audience. «C’est très émouvant. Ça m’a fait pleurer. Je remercie de tout mon cœur cette jeune fille d’avoir eu le courage de revenir de si loin, de Finlande, pour témoigner», a-t-elle indiqué à la sortie. Vendredi, une autre victime de Jérémy Pierson avait déjà témoigné. «Avec leurs témoignages, on comprend vraiment à quel point c’est un être cruel, sans pitié, sans remords et qui n’a aucun respect de la vie humaine.»

Fabienne Armborst, à Arlon

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.