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Procès de l’ex-juge des tutelles : «La neutralité des autorités de la justice est un impératif»


La «prise illégale d'intérêts» est punie d'une peine d'emprisonnement entre 6 mois et 5 ans de prison et d'une amende de 500 euros à 125 000 euros. (Photo : Fabienne Armborst)

Le procureur d’État a requis jeudi la condamnation de l’ex-juge des tutelles, poursuivi pour avoir nommé son ami avocat 221 fois entre 2004 et 2015. La «prise illégale d’intérêts» est punie d’une peine d’emprisonnement entre 6 mois et 5 ans de prison et d’une amende de 500 euros à 125 000 euros.

« Il y a possibilité que l’image de la justice souffre si des situations de telle nature ne sont pas sanctionnées.» Les derniers mots du réquisitoire du procureur d’État, Jean-Paul Frising, jeudi après-midi étaient clairs : l’ex-juge des tutelles de Luxembourg (49 ans) et son bon ami avocat (57 ans) sont à condamner. Il n’aura toutefois pas requis de peines précises, mais aura fait référence aux peines prévues par les articles 245 et 505 du code pénal.

Derrière l’article 245 se cache la «prise illégale d’intérêts» sanctionnée par une peine d’un emprisonnement de six mois à cinq ans, et d’une amende de 500 euros à 125 000 euros. La personne pourra, en outre, être condamnée à l’interdiction du droit de remplir des fonctions, des emplois ou offices publics. L’article 505, pour sa part, vise le «recel» et est puni d’un emprisonnement de 15 jours à 5 ans et d’une amende de 251 euros à 5 000 euros.

Le quadragénaire s’est-il rendu coupable de prise illégale d’intérêts en nommant son ami avocat dans 221 procédures entre 2004 et 2015? C’est la question qui se trouvait au cœur des débats devant la 16e chambre correctionnelle. Les prévenus contestent. «Je n’ai jamais bénéficié de favoritisme. J’ai toujours fait correctement mes missions», s’est défendu hier l’avocat avant de laisser la parole à Me Jean Minden. «Mon client n’est pas un receleur», a-t-il déclaré haut et fort.

Acquitté à l’issue de la procédure disciplinaire

Avec son confrère Me Rosario Grasso, défendant, lui, l’ex-juge, il a principalement plaidé l’irrecevabilité des poursuites pénales contre l’ex-magistrat. Leur argument : «impossible de juger deux fois une même personne pour des faits identiques». Des faits qui ont déjà fait l’objet de poursuites disciplinaires. L’arrêt rendu par la Cour supérieure de justice le 13 janvier 2017 n’avait retenu «aucune faute disciplinaire» à l’encontre du magistrat. «La Cour a constaté que le favoritisme et le promiscuité ne ressort pas du dossier», a argué Me Grasso. Et Me Minden d’insister : «C’est incompréhensible pourquoi le parquet a maintenu les poursuites après la décision des neuf magistrats de la plus haute juridiction du pays…» «C’est l’histoire d’un juge et d’un ami, amis dans le privé, ayant agi pour le bien de majeurs protégés», a achevé Me Minden sa plaidoirie.

Or pour le parquet, cela reste l’histoire d’un «très bon ami juge qui attribue des mandats à son très bon ami avocat». Et les mandats confiés constitueraient une source de revenus et profiteraient donc à lui-même par les relations amicales… La finalité de l’article 245 serait d’éviter la possibilité du népotisme. «La neutralité des autorités de justice est un impératif pour l’intérêt général!», a souligné le procureur.

Quant au moyen de l’irrecevabilité des poursuites, il l’a balayé d’un revers de main. Il s’est dit étonné que la défense de l’ex-juge ne l’ait pas présenté lors de son premier procès à l’été 2017 lorsqu’il était jugé pour son «comportement inconvenant à l’égard d’une personne qui nécessitait une protection judiciaire». Manquement pour lequel il avait été mis à la retraite par la Cour supérieure de justice. Rappelant que l’affaire se trouve devant le tribunal après le rejet du moyen par la chambre du conseil de la Cour d’appel – «Il n’y a pas eu de non-lieu» –, Jean-Paul Frising a conclu : «À mon avis, le tribunal ne peut plus revenir sur cette décision.»

Le tribunal partagera-t-il ce même avis? Décision le 20 juin.

Fabienne Armborst

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