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« On ne savait pas qu’on n’a pas le droit de frapper les enfants »


"Quand ma maman est en colère, elle me frappe..." En entendant cette phrase lâchée par le garçon de 9 ans lors d'un exercice à l'école en juin 2018, le personnel éducatif avait tiré la sonnette d'alarme. (illustration Fabrizio Pizzolante)

Pour avoir régulièrement infligé des coups et blessures à leurs fils en bas âge, un père et une mère ont dû s’expliquer vendredi face aux juges.

« Quand ma maman est en colère, elle me frappe… » En entendant cette phrase lâchée par le garçon de 9 ans lors d’un exercice à l’école en juin 2018, le personnel éducatif avait tiré la sonnette d’alarme. L’information du cas de suspicion de maltraitance était remontée via le «service médical des écoles de la Ville de Luxembourg» au parquet.

Pour une bêtise ou un gros mot

Le SREC Luxembourg avait été chargé de l’enquête. Lors de son audition, l’enfant avait expliqué encaisser régulièrement des coups. Sa maman le frappait avec une ceinture et une cuillère en bois. Son papa avec les pantoufles. Une fois c’est parce qu’il avait mangé trop de crêpes avec son frère, une autre fois, c’est parce qu’ils faisaient des bêtises… Il avait également saigné une à deux fois du nez après avoir reçu un violent coup. La brûlure avec la cuillère, c’était parce qu’il avait dit un gros mot à son père.

Face à l’enquêteur, son petit frère (6 ans) s’était montré beaucoup moins loquace. Pour le médecin scolaire, qui avait examiné l’aîné, ce que ce dernier a raconté est «compatible avec les deux blessures » Sur le bras gauche, le praticien avait en effet décelé un hématome et sur le dessus de sa main droite la trace d’une ancienne brûlure de la taille d’une pièce de deux euros. « Le bleu au bras, il ne l’a pas ramassé en jouant au foot. Cela correspond bien à un coup de cuillère en bois », a-t-il appuyé.

Entendus au poste de police, les parents avaient reconnu dans les grandes lignes les faits. Des aveux qu’ils ont réitérés vendredi matin à la barre de la 13e chambre correctionnelle. « On ne savait pas qu’on n’a pas le droit de frapper les enfants. Ce n’était pas pour leur faire mal. Je m’excuse », s’est lancée la mère (38 ans) qui a grandi au Maroc.

« Des fois on ne réfléchit pas »

Or la brûlure à l’aide d’une cuillère, elle la conteste fermement : « Il y a des gens qui font n’importe quoi. Mais la cuillère brûlante, c’était pas moi. J’étais en train de cuisiner quand il l’a prise. Il était encore petit. Il avait deux ou trois ans. »

Le père (63 ans) d’origine italienne, quant à lui, principalement accusé de s’être muni de pantoufles pour distribuer les coups, a clamé qu’elles étaient en tissu. « C’était pas souvent », a-t-il ajouté. Et sa femme de renchérir : « Des fois on ne réfléchit pas. »

« Pourtant c’est vous, les adultes. C’est à vous de réfléchir à d’autres méthodes d’éducation », leur a rétorqué la présidente.

– « On a compris maintenant. Vous pouvez aller à l’école et vous renseigner , a assuré le père. C’était la première et la dernière fois ! »

18 mois et une amende requis

Pour la représentante du parquet, il est néanmoins difficilement compréhensible que les parents n’aient pas su qu’on n’avait pas le droit de frapper les enfants… Elle estime qu’ils ont tenté de minimiser les faits : « Vu la marque de la brûlure sur la main, la cuillère chaude a dû y être apposée pendant une certaine durée .» « Normalement on consulte un médecin. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? », s’est-elle enfin interrogée. Après avoir soulevé que l’aîné des fils avait raconté trois fois la même histoire – à l’école, au médecin et à la police –, elle a qualifié ses déclarations de parfaitement crédibles. « Un enfant n’invente pas de telles histoires. »

Fixant droit dans les yeux les deux parents sur le banc des prévenus, la parquetière les a avertis : « Frapper ses enfants est sévèrement puni. On encourt au minimum trois ans de prison. » Au vu de leurs regrets, de leur changement d’attitude et de leur absence de casier judiciaire, elle a fini par requérir 18 mois avec sursis et une amende appropriée contre le couple.

Avec cette affaire, les parents ne se sont pas vu retirer la garde de leurs enfants. Pour le procès, ces derniers étaient représentés par Me Christian Bock. Nommé administrateur ad hoc, il s’est constitué partie civile. Il réclame pour les deux enfants respectivement 4 000 et 1 500 euros de dommages et intérêts.

Prononcé le 27 mars.

Fabienne Armborst

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