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Moselle : « Depuis plus de 100 ans, on n’avait jamais vu ça : ce sont les vendanges du siècle !»


Henri Ruppert et ses vendangeurs sont encore sur le pont en ce moment pour récolter d'incroyables rieslings, grain par grain. (Photos : Julien Garroy)

Henri Ruppert a regardé : il n’y a pas eu une année aussi belle que celle-ci depuis 1900. Les fantastiques vendanges tardives qui sont toujours en cours en témoignent.

Henri Ruppert (domaine Henri Ruppert, à Schengen) était le premier à vendanger dès la fin août et lui et ses vendangeurs sont encore sur le pont en ce moment pour récolter d’incroyables rieslings, grain par grain. Ils deviendront un nectar encore jamais produit ici.

La semaine dernière, nous évoquions les vendanges tardives du domaine Cep d’or (Hëttermillen), où Jean-Marie Vesque cueillait des auxerrois fabuleux. Henri Ruppert, lui, a choisi le riesling, tout en reconnaissant que « cette année les auxerrois étaient très beaux également ». Depuis sa magnifique cave plantée sur le Markusberg, il pose un œil émerveillé sur l’année qui s’achève. « Jamais la Moselle n’avait connu un millésime alliant à ce point la quantité à la qualité , glisse-t-il. 1921 était bien, mais il y avait eu du gel. En 1975 et 1976, il y avait de la chaleur mais des rendements faibles, un peu comme en 2003. Depuis plus de 100 ans, on n’avait jamais vu ça : ce sont les vendanges du siècle! »

Alors que pratiquement toutes les maisons ont rangé les sécateurs, cela fourmille toujours dans les vignes et dans la cave. Pourquoi? Parce qu’Henri Ruppert a décidé il y a 15 jours, lorsqu’il vendangeait ses rieslings, de garder les belles grappes qui commençaient à sécher pour les transformer en fabuleuses vendanges tardives. « Si on ne le fait pas cette année, on ne le fera jamais! », sourit-il.

Effectivement, toutes les planètes étaient alignées. D’une part, le risque de laisser des raisins dehors n’était pas énorme, dans la mesure où les quantités récoltées étaient déjà très importantes. « Heureusement, j’ai acheté de nouvelles cuves l’année dernière , se félicite Henri Ruppert. Je ne manque donc pas de place pour faire mes vins. » Avec une belle vendange déjà sécurisée, tenter le coup n’avait rien de déraisonnable. «Après le premier passage, j’ai laissé des raisins partout où ça en valait la peine », souligne-t-il. En tout, cela fait tout de même entre 2,5 et 3 hectares de vignes.

Plus de 250 Oechsle, sans doute un record

D’autre part, la qualité des raisins permettait de croire à une deuxième récolte spectaculaire. « Il n’y avait aucune trace de mauvaise pourriture, les grappes étaient absolument parfaites. » Et elles le sont restées. Encore aujourd’hui, déambuler entre ces rangées de vignes est impressionnant. Les baies touchées par le botrytis sont asséchées, exactement comme à Sauternes. Celles qui ne le sont pas sont encore belles et rondes, juteuses et sucrées.

Puisque les grains sont dans des états différents, les vendangeurs les trient en trois catégories dès la vigne. La première correspond aux raisins parfaitement séchés par le botrytis. Ce sont les plus sucrés, tellement riches que le réfractomètre (l’appareil qui mesure le taux de sucre) ne peut pas le déterminer précisément. « Sa limite est à 240 Oechsle et nous sommes parfois au-delà! », lâche le vigneron, impressionné. La deuxième catégorie concerne les raisins affectés par le botrytis, mais qui sont moins secs que les premiers, là, les taux de sucre tournent autour de 190 degrés Oechsle. Enfin, les raisins parfaitement ronds remplissent les troisièmes bacs. Pourquoi réaliser un tri aussi sévère? « Pour jouer avec les différentes qualités et avoir la possibilité d’ajuster les assemblages », explique Henri Ruppert.

Les baies sont triées précisément à la vigne, puis à la cave.

Les baies sont triées précisément à la vigne, puis à la cave.

Revenus à la cave, les grains sont enlevés des rafles un par un et classés eux aussi selon leur aspect. Un vrai travail de fourmi! Ils passent ensuite dans un petit pressoir pneumatique d’où s’écoule un jus incroyable. Très pur, sans aucune déviance, il s’agit incontestablement d’une matière première d’exception. «L’avantage, avec le riesling, c’est qu’il garde toujours sa fraîcheur, même avec ces doses de sucre», apprécie Henri Ruppert.

 

Le vigneron façonnera très vraisemblablement deux types de vins avec ces raisins. L’un sera produit avec la catégorie la plus sucrée, qui sera allongée par la classe d’en dessous pour permettre à la formation alcoolique de s’effectuer. Si les taux de sucre restent trop élevés, les levures ne pourront pas le transformer en alcool. Le deuxième vin restera en tout point extraordinaire, mais on se contentera de niveaux de sucre un peu plus bas.

Ce seront assurément des vins légendaires, capables de passer les décennies avec classe. «Ils nous survivront!», rigole Henri Ruppert. Et leur souvenir aussi.

Erwan Nonet

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