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Luxembourg : dix ans de vin au féminin


Le comité des Lucilivines au grand complet, sur l’une des terrasses du domaine Claude-Bentz.

Les Lucilivines viennent de fêter leur dixième année. Cette association dynamique, qui réunit des femmes qui apprécient le vin (et particulièrement le luxembourgeois), a soufflé ses bougies au domaine Claude-Bentz.

Les femmes et le vin, voilà un sujet qui a traîné pendant des siècles un nombre incroyable de préjugés et d’idioties ! Heureusement, depuis quelques décennies, la plupart des barrières sont tombées, mais il va encore falloir du temps pour qu’hommes et femmes soient véritablement égaux devant le jus de la treille.

Le métier, tout d’abord, reste assez machiste. La viticulture, comme toute l’agriculture, est souvent considérée comme un métier d’hommes. Jusqu’à un passé assez récent, rares étaient les femmes à conduire un domaine, à s’investir dans les vignes et à la cave. Pourtant, les épouses ou les sœurs de vignerons étaient (et sont toujours) essentielles dans la vie de l’entreprise, mais elles le faisaient en toute discrétion : à l’ombre, dans les bureaux, à gérer l’administratif et le financier.

Ces dernières années, au Grand-Duché, la profession évolue toutefois à grande vitesse, plusieurs jeunes vigneronnes prennent sans coup férir la place de leurs aînés masculins au sein de domaines familiaux. Corinne Kox (domaine L&R Kox, à Remich), Lisa Vesque (domaine Cep d’Or, à Hëttermillen), Michèle Mannes (domaine Häremillen, à Ehnen), Marie Kox (domaine Sunnen-Hoffmann, à Remerschen), Carole Bentz (domaine Claude Bentz, à Remich), Anne Duhr-Maddalon (caves Duhr-Maddalon, à Nierderdonven) n’ont pas hésité à faire de leur passion un métier.

Elles rejoignent en cela Anouk Bastian (domaine Bastian, à Remich), Isabelle Gales (caves et domaine Gales, à Remich) ou encore Charlène Muller (chef de la cave Vinsmoselle, à Grevenmacher) qui avaient ouvert la voie.

N’oublions pas non plus les pionnières qu’ont été Madame Alice Hartmann et Madame Aly-Duhr (mais dont le prénom n’est pas passé à la postérité) qui, à la façon des veuves de Champagne (Clicquot, Pommery, Bollinger, Laurent-Perrier…), ont pris les rênes des exploitations viticoles à la suite du décès de leur mari.

Au Grand-Duché, la dynamique a été longue à se créer, mais elle est aujourd’hui indiscutablement installée. Personne n’irait remettre en cause la légitimité de ces vigneronnes et c’est bien le minimum tant il est évident qu’elles ne font pas moins bien que leurs prédécesseurs.

Les femmes hors des caves

Si le contexte actuel permet d’être optimiste, il a été le fruit d’un long travail tant les femmes ont été longtemps tenues à l’écart du métier pour des raisons… fumeuses, dirons-nous. Pendant longtemps, par exemple, les caves où les vins fermentaient ont été interdites aux femmes ayant leurs règles, sous prétexte qu’elles feraient tourner le contenu des cuves et des barriques.

Il aura fallu attendre la Première Guerre mondiale et le départ des hommes sur le front pour voir cet interdit levé. Un anathème bien hypocrite puisque les patrons n’avaient rien contre le travail des femmes pour l’ébourgeonnage ou les vendanges, d’autant qu’elles étaient beaucoup moins payées que leurs collègues masculins.

Outre les métiers du vin, son langage est également très connoté en français. On parle de robe, de jambe, de cuisse, de galbe, de souplesse, de dentelle… la description d’un vin est souvent très sexualisée. On note d’ailleurs qu’on ne parle jamais de la femme dans son ensemble, mais seulement d’une partie de son corps ou de sa garde-robe, ce qui est typique d’une construction sémantique masculine. La femme n’est pas évoquée pour ce qu’elle est, mais comme une chose simplement utile à la comparaison.

L’association des Lucilivines est née il y a 10 ans, le 12 juin 2012, afin de fédérer les femmes qui aiment le vin. L’ASBL se veut être un espace convivial au cœur duquel on se forme et on apprend. Le but est de déguster, bien sûr, mais aussi de s’ouvrir à un monde extrêmement vaste sans s’imposer de pensums ennuyeux : la formation doit se faire dans la bonne humeur, c’est la règle !

Le 17 juin dernier, le dixième anniversaire des Lucilivines a été célébré chez Carole Bentz (domaine Claude-Bentz, à Remich), dans le tout nouveau bâtiment qu’elle a inauguré au début du mois. Le lieu était vraiment idéal.

La jeune vigneronne qui est arrivée au domaine familial il y a trois ans pour se préparer à prendre la suite de son père ne manque ni d’ambition ni de bonnes idées. Avec de tels exemples, c’est sûr, la Moselle n’a pas fini de se féminiser !

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