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Licenciements dans la place financière : l’ALEBA relativise


"Les tensions subies par les salariés du secteur sont importantes", souligne le secrétaire général de l'ALEBA. (Photo : Didier Sylvestre)

Touchée par des plans sociaux à répétition, la place financière vit une période délicate, notamment en raison d’un contexte économique peu évident. Le syndicat ALEBA ne cède cependant pas à la panique et reste très lucide.

En tant que secrétaire général du syndicat majoritaire dans le secteur bancaire (ALEBA), Laurent Mertz est bien placé pour juger ce qui se passe actuellement dans la place financière. S’il estime que les délocalisations sont inévitables et qu’elles font même partie du libéralisme, le syndicaliste reste optimiste quant à l’avenir du secteur.

Un quatrième plan social en moins de six mois vient d’être annoncé dans la place financière. Le dégraissement annoncé chez J.P. Morgan fait écho à celui signifié par UBS quelques jours plus tôt. Cette évolution est-elle inquiétante à vos yeux ?

Laurent Mertz : Il y a deux choses à dire. En ce qui concerne les plans sociaux, il y a ces derniers mois une recrudescence et nous, en tant que syndicat représentatif du secteur, nous devons être présents pour défendre les intérêts des salariés touchés.

Les plans sociaux ne sont néanmoins pas forcément liés à la santé de l’entreprise. Il y a parfois une volonté de procéder à une organisation plus efficace pour mieux gérer les différentes strates de celle-ci. Chez J.P. Morgan, il s’agit d’un transfert d’activités vers un autre pays, ce qui en soi ne dit rien sur la santé de la banque. Mais il faut reconnaître qu’il existe un contexte économique qui n’est pas très facile. On doit faire face à des taux d’intérêt très bas, des marchés volatiles. Il faut reconnaître que ce n’est pas évident pour la Place dans son ensemble.

Vous l’avez évoqué : les bilans des institutions financières ne sont pas forcément à la traîne. Comment donc justifier ces plans sociaux ?

Il faut constater que même si les bilans sont en léger retrait par rapport aux années précédentes, il y a toujours des dividendes qui sont versés aux actionnaires. Là, l’ABBL (NDLR : l’Association des banques et banquiers, Luxembourg) peut dire ce qu’elle veut. Elle affirme que la situation est difficile, mais il y a quand même toujours en fin d’année des bilans qui ont fière allure.

Mais vous, en tant que syndicat qui défend les intérêts des salariés, pouvez-vous cautionner cette réduction d’effectifs, alors qu’objectivement les banques concernées se portent bien ?

Je dis toujours que lorsqu’on signe son contrat dans une banque, l’on souscrit par défaut au libéralisme. Et donc, à un moment donné, il faut accepter que l’investisseur ou l’actionnaire veuille un retour. Si l’on n’est pas prêt à accepter cela, il faut changer de secteur d’activité. Assister à des dégraissements ou des délocalisations d’activités fait partie des risques à prendre. En plus, le contexte n’est pas évident. Il y a une évolution des métiers avec le développement poussé des FinTech et de la digitalisation. Toute une série de métiers évoluent rapidement. Il y a aussi un consommateur qui est différent de celui qu’on a connu dans le passé. Il faut l’accepter. Nous, en tant que syndicat, il nous reste juste à trouver des solutions pour les salariés concernés. Soit il y a un plan social, solution que je n’aime pas du tout, ou on trouve des solutions plus constructives et intelligentes. Je pense à de vraies conventions d’entreprise, qui visent à pérenniser l’emploi, former les gens et augmenter leurs compétences.

La semaine dernière, on a entendu le ministre des Finances, Pierre Gramegna, affirmer que malgré ces plans sociaux, le secteur financier se portait bien. Le Premier ministre, Xavier Bettel, a lui aussi tenu à relativiser ces pertes d’emplois. Partagez-vous ces analyses ?

Oui, le secteur se porte globalement bien. Mais si on demande aux 300 personnes touchées ces derniers mois par un plan social, elles ont certainement une autre vision des choses que Pierre Gramegna ou Xavier Bettel. C’est évident. Mais on n’est pas non plus au pays des Bisounours. Si, à un moment, une entreprise n’a plus les moyens de payer tout le monde et doit se séparer de salariés pour des raisons économiques, il nous faut trouver la meilleure solution possible pour les personnes concernées.

Pourtant, peut-on faire quelque chose contre cette tendance à délocaliser des secteurs d’activité vers d’autres pays comme, par exemple, la Pologne ?

On ne peut pas faire grand-chose contre ce phénomène. Il y a des sociétés au Luxembourg, et même des banques, qui ont délocalisé dans le passé et qui sont déjà revenues au bercail. On peut envoyer une activité en Europe de l’Est, ou même plus loin, mais après, il faut aussi accepter que la qualité du service n’est plus forcément la même. Quand on délocalise, la seule raison est de faire des économies. On peut le faire, c’est le droit des entreprises. Mais elles se privent de compétences qui, dans le secteur bancaire, sont élevées.

Entretien réalisé par David Marques

Retrouvez l’intégralité de l’interview dans la version papier.

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