La France va assigner en justice les géants du numérique Apple et Google pour « pratiques commerciales abusives », une sanction pouvant se chiffrer « en millions d’euros ».
« Je crois à une économie fondée sur la justice et je vais donc assigner Google et Apple devant le tribunal de commerce de Paris pour pratiques commerciales abusives » vis-à-vis des start-ups françaises, a annoncé mercredi sur la radio RTL le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire. Le ministre s’est basé sur une enquête menée entre 2015 et 2017 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui a mis en lumière « un déséquilibre significatif » dans les pratiques en France de ces deux géants du numérique, a expliqué une source au ministère des Finances.
Le ministre a ainsi dévoilé que les start-ups françaises se voyaient « imposer des tarifs » lorsqu’elles négociaient la vente de leurs applications à Google et Apple qui « récupèrent également les données ». « Tous deux peuvent modifier unilatéralement les contrats », a-t-il dit. Selon le ministre, cette situation est « inacceptable ». « Je considère que Google et Apple, aussi puissants soient-ils, n’ont pas à traiter nos start-ups et nos ‘developers’ de la manière dont ils le font aujourd’hui », a-t-il ajouté.
« Être garant de l’ordre public économique »
Le Maire, qui avait brandi l’été dernier la menace d’imposer les géants du numérique sur leur chiffre d’affaires en France en dénonçant leurs pratiques d’optimisation fiscale, a assuré que cette action en justice se traduirait par « une sanction qui se chiffre en millions d’euros ». « La plainte déposée par la DGCCRF au nom du ministre demande la cessation des pratiques et une amende de deux millions d’euros », a précisé la source de Bercy. « Ma responsabilité, c’est d’être garant de l’ordre public économique. Il y a des règles. Il y a une justice. Elle doit être respectée », a renchéri Bruno Le Maire.
La plainte du ministre intervient à un moment où les craintes d’une guerre commerciale se multiplient après la décision de Donald Trump de taxer les importations d’acier et d’aluminium, même si Bercy dément tout lien. Les géants du numérique sont déjà la cible de multiples accusations sur leurs pratiques d’optimisation fiscale. La Commission européenne compte présenter à Bruxelles le 21 mars ses premières propositions sur la fiscalité du numérique, qui doivent être évoquées par les chefs d’État et de gouvernement de l’UE lors d’un sommet les 22 et 23 mars dans la capitale européenne. Les ministres des Finances des cinq pays de l’UE membres du G20, soutenus par la Commission européenne, ont d’ailleurs exhorté la semaine dernière dans un courrier commun le G20 à avancer sur la taxation des géants du numérique, alias les « Gafa ».
Apple est également visé en France par une enquête de la justice, ouverte début janvier, pour « obsolescence programmée », qui s’ajoute à celle menée contre le fabricant d’imprimantes Epson. Cette enquête cherche à savoir si Apple a organisé le ralentissement de ses anciens modèles iPhone dans le but de doper ses ventes de nouveaux appareils. Quant à Google, il a été condamné fin juin par l’UE à une amende record de 2,42 milliards d’euros en raison de pratiques jugées anticoncurrentielles. La Commission européenne l’accuse d’abuser de sa position dominante dans la recherche en ligne pour favoriser son service Google Shopping.
Le Quotidien/AFP