Huit militants de Greenpeace, qui s’étaient introduits sur le site de la centrale nucléaire de Cattenom en octobre ont été condamnés mardi à des peines allant de cinq mois de prison avec sursis à deux mois ferme.
« On est déçus, parce que c’est la première fois que des militants de Greenpeace sont condamnés à de la prison ferme », a réagi Jean-François Julliard, le directeur général de l’ONG, également poursuivie et condamnée à une amende de 20 000 euros. Parmi les prévenus, deux activistes, déjà condamnés dans le passé pour s’être introduits sur des sites nucléaires, ont écopé de deux mois de prison ferme.
Les six autres ainsi que le responsable de la campagne nucléaire de l’ONG écologiste, Yannick Rousselet, poursuivi pour complicité, ont été condamnés à cinq mois de prison avec sursis. « C’est particulièrement injuste pour des personnes qui n’ont fait que lancer l’alerte sur un risque nucléaire », a déploré Jean-François Julliard, annonçant qu’ils allaient tous faire appel.
« Des lanceurs d’alerte »
Le parquet avait requis des peines de six mois avec sursis et six mois ferme, ainsi qu’une amende de 50 000 euros à l’encontre de Greenpeace. Le tribunal a ordonné par ailleurs une expertise pour évaluer le préjudice matériel, estimé à plus de 200 000 euros par EDF et demandé aux prévenus de verser une provision de 20 000 euros. Il a en outre alloué 50.000 euros au titre du préjudice moral à EDF, qui en avait réclamé 500.000.
« On est des lanceurs d’alerte avant tout » avaient avancé les activistes mais pour la procureure, Christelle Dumont, « Greenpeace a franchi la bande rouge ». « Jugez ces faits de grâce pour ce qu’ils sont: le franchissement d’une clôture et de deux grillages », a plaidé l’avocat de la défense, Alexandre Faro. « Ils se battent pour des idées, ça ne mérite pas de la prison ferme », a-t-il souligné.
« Le chemin le plus court »
« J’assume ma responsabilité individuelle », avait lancé auparavant Coralie, à la barre. La militante de 28 ans a rechigné à détailler la préparation de l’action, comme les six autres prévenus, deux femmes et quatre hommes, âgés de 28 à 58 ans. Un militant était absent, « en mer sur la flotte Greenpeace« , selon Me Faro. On a seulement choisi le chemin le plus court pour arriver le plus vite. Malheureusement, ce n’est pas très sorcier », a déclaré Coralie.
Poursuivis pour « intrusion en réunion et avec dégradation dans l’enceinte d’une installation civile abritant des matières nucléaires », les huit activistes encouraient cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. « On a agi de manière collective. On n’avait pas de rôles précis, on était tous interchangeables », a ajouté un autre militant, Clément.
Feu d’artifice
Le 12 octobre, à l’aube, les huit activistes de Greenpeace avaient été interpellés après avoir pénétré dans la centrale pour alerter sur la vulnérabilité des sites nucléaires. Ils avaient tiré un feu d’artifice tout près du bâtiment abritant la piscine à combustibles. La préfecture de Moselle et EDF avaient assuré que les militants n’avaient pas accédé à la zone nucléaire.
« Si j’ai choisi cette action, c’est pour dénoncer un sujet grave. Greenpeace assume notre action car elle est légitime, non-violente. On est des lanceurs d’alerte », a développé Anne-Fleur, une brune aux cheveux courts. « Vous êtes là pour le passage à l’acte (qui vous) engage pénalement, pas le motif », a répliqué la procureure, Christelle Dumont.
Commission d’enquête parlementaire
« Greenpeace assume l’organisation, la mise en oeuvre et la communication de cette action », a affirmé à la barre Jean-François Julliard. « Mener une action illégale comme celle-ci n’est pas dans l’objet de notre association, mais notre devoir de lanceur d’alerte » oblige « à trouver le moyen de créer un débat public », a-t-il exposé. Après une nouvelle intrusion de Greenpeace sur le site nucléaire de Cruas-Meysse (Ardèche) en novembre, une commission d’enquête parlementaire sur « la sûreté et la sécurité des installations nucléaires » a été créée.
« On a affaire à des militants qui font à leur niveau la guerre », a plaidé pour sa part l’avocat d’EDF, Me Thibault de Montbrial. « On a aujourd’hui des militants sains et saufs. Jusqu’au jour où… », a averti pour sa part le directeur de la centrale de Cattenom, Thierry Rosso.
Le Quotidien/AFP