Accueil | A la Une | «Il n’y a jamais eu autant de bons vins au Luxembourg»

«Il n’y a jamais eu autant de bons vins au Luxembourg»


Le journaliste vient de sortir son deuxième Guide Vinslux. (Photo Tania Feller)

Une application qui recense ses dégustations, un tout nouveau guide… Le journaliste Claude François défend avec conviction le vin luxembourgeois.

Vous venez de publier votre deuxième Guide Vinslux dans lequel vous dégustez les vins de tous les domaines luxembourgeois. C’est un travail de longue haleine, comment vous y prenez-vous?

Claude François : Tout d’abord, je prends mon temps. Il faut plus de 100 jours à la vigne pour produire ses raisins, les vignerons mettent parfois des années dans la cave pour les élever alors je peux bien prendre 5 à 10 minutes par vin pour les déguster! Bien sûr, cela va plus vite avec certains qu’avec d’autres… Il y a des vins qui me parlent, qui me racontent tout de suite leur histoire et il y en a qui sont très discrets. Les deux cas de figure peuvent d’ailleurs se produire chez un même vigneron.

Combien de crus avez-vous déjà dégustés pour vos guides?

L’appli Vinslux qui référence tous mes commentaires en contient environ 3 500, mais ils ne sont pas tous en ligne. J’ai enlevé tous les vins qui ne sont plus disponibles à la vente, à l’exception des grandes références, comme les pinots noirs 2016 ou les crémants millésimés. C’est un travail qui ne s’arrête jamais! En ce moment, je déguste déjà les vins qui figureront dans le prochain guide qui devrait sortir en 2024.

Vous participez également à beaucoup de concours en tant que jury. La dégustation à l’aveugle est un exercice que vous appréciez?

J’adore ça! Au Concours mondial de Bruxelles, par exemple, on déguste jusqu’à 150 vins en trois jours, sans avoir aucune indication de provenance ou de cépages, seulement le millésime. On a l’esprit grand ouvert, c’est très enrichissant.

La création de l’appellation Crémant de Luxembourg, il y a 30 ans, a fait beaucoup de bien

Vous écrivez depuis longtemps sur les vins, comment vous êtes-vous formé?

D’abord avec mon père, qui travaillait chez le fournisseur belge Fourcroy. Nous avions donc toujours des bons vins à la maison. Il ne connaissait pas le vin dans le détail, mais il savait ce qui était bon et me servait des fonds de verre lorsque j’étais adolescent pour que je goûte. Plus tard, dès que je suis devenu journaliste, je me suis occupé de la gastronomie, un secteur qui m’intéressait énormément. Au début des années 1980, il y avait beaucoup plus de repas de presse qu’aujourd’hui. J’ai de grands souvenirs dans les deux étoiles de l’époque comme La Cloche d’or, chez Hélène Hiertz à Diekirch, au Geyershaff… J’y ai découvert beaucoup d’excellents bordeaux.

Vous écriviez alors uniquement sur la gastronomie?

Non, j’ai travaillé pour Télécran, la radio DNR et le Luxemburger Wort pendant plus de 30 ans mais j’ai écrit spécifiquement sur le vin à partir de la fin des années 1990. J’ai démarré avec une série sur les appellations autour de Bordeaux. Le photographe Raymond Reuter, un ami, m’avait proposé de l’accompagner alors qu’il avait été missionné par une grande agence pour faire des vues d’hélicoptères du vignoble bordelais. Cette grande opportunité m’a fait découvrir les plus beaux domaines. J’étais déjà initié aux meilleurs bordeaux, qui étaient encore abordables, mais ces dégustations m’ont fasciné. Notamment à Margaux. J’ai aussi été adoubé par José Sanfins (NDLR : aujourd’hui directeur technique de Cantenac-Brown), qui m’a ouvert beaucoup de portes par la suite.

Vous n’avez donc pas commencé par les vins luxembourgeois…

Je connaissais déjà les vignerons, j’ai beaucoup dégusté chez eux mais c’est vrai que ce sont les bordeaux qui m’ont mis le pied à l’étrier. Ceci dit, juste après la série bordelaise, j’en ai réalisé une autre sur les vins luxembourgeois avec Fernand Mohrbach. Nous avons publié le premier cahier spécial de Télécran sur les vins luxembourgeois en 2000, pour la foire de Printemps. Ça a été un grand succès. À partir de 2002, nous l’avons sorti chaque année.

J’ai de grands souvenirs dans les deux étoiles de l’époque

Vous avez donc pu constater l’évolution qualitative des vins luxembourgeois, comment la jugez-vous?

Elle est énorme. La création de l’appellation Crémant de Luxembourg, il y a 30 ans, a fait beaucoup de bien. Non seulement la qualité des effervescents a progressé de manière incroyable, mais les vins tranquilles en ont profité aussi. Il y a toujours eu de très bons vins au Luxembourg, mais il n’y en a jamais eu autant.

Ces dernières années, de plus en plus de domaines élargissent leur gamme de crémants en proposant des bouteilles haut de gamme. Cette dynamique vous convainc?

Tout à fait, on voit que les vignerons ont tiré profit de leur expérience pour affiner la qualité de leurs crémants. Il existe aujourd’hui une diversité dans la qualité qui est particulièrement enthousiasmante. Les meilleurs se rapprochent de plus en plus des champagnes, cela ne fait pas de doute. Pour l’instant, la différence se fait surtout sur la question des vins de réserve. Les domaines champenois assemblent des vins de plusieurs années dans leurs cuvées – sauf les millésimés – ce qui n’est pas encore une habitude luxembourgeoise. Quoi que cela arrive. Le « G de Gales«  le fait déjà et Henri Ruppert à profité de l’année dernière pour mettre de côté des vins de base parfaits pour les bulles, cela promet!

Il y a des vins qui me racontent tout de suite leur histoire

Avec le réchauffement climatique, on voit désormais l’apparition de grands vins rouges sur la Moselle…

Je suis toujours sceptique sur le chardonnay, mais les rouges m’ont convaincu. Les premiers vignerons les ont plantés dans les années 1990 (Krier-Frères, Schmit-Fohl…). Mais faire de grands rouges n’est pas évident, il faut parfaitement gérer le travail à la vigne et à la cave, qui est très différent de l’élaboration des blancs. Il faut maîtriser la barrique, par exemple. Mais aujourd’hui, il ne fait aucun doute que des domaines comme Henri Ruppert, Schlink, Berna, Schmit-Fohl et d’autres produisent de très grands pinots noirs chez nous, qui plus est dans des styles bien différents.

Cette progression de la qualité va de pair avec une augmentation des prix. Vous semble-t-elle justifiée?

Lorsque tous les paramètres sont concordants – beau terroir, petits rendements, travail précis à la vigne, qualité de la vinification, utilisation de barriques coûteuses… – les prix sont absolument justifiés. Le pinot noir Ma Tâche d’Henri Ruppert, le pinot noir Grande Réserve de Marc Berna, les rieslings Groärd ou Ahn Palmberg du Clos des Rochers, ceux d’Alice Hartmann… tous ces vins coûtent autour de 30 euros, voire plus, mais ils valent leur prix sans aucune contestation possible. Il suffit de les comparer à des vins étrangers de qualité égale. Vous ne trouverez aucun pinot noir bourguignon de ce niveau à ces prix-là, ni aucun riesling allemand.

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.