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Horesca : 50 ans dans le rétro


L’anniversaire de l’Horesca a été fêté avec deux ans de retard, mais en compagnie du Grand-Duc. (Photo : Hervé Montaigu)

La Fédération nationale des hôteliers, restaurateurs et cafetiers célèbre son demi-siècle d’existence dans un livre bourré d’anecdotes. C’est que des choses à raconter sur le zinc ou en cuisine, il y en a!

Ce sont ceux qui travaillent lorsque le commun des mortels fait relâche, qui bossent pour que d’autres viennent s’amuser chez eux. Les métiers de la restauration sont durs, mais essentiels pour la vie et la cohésion de la société, bien plus qu’on ne pourrait le croire.

Comme le rappelle Robert Philippart dans l’ouvrage qui célèbre le cinquantenaire de l’Horesca, les cafés de la capitale avant les années 1970 «sont alors des lieux de rassemblement d’associations sportives, de syndicats professionnels, d’associations culturelles».

Le bistrot est bien plus qu’un débit de boissons, c’est un endroit qui célèbre la prise de parole qui cimente la société. Carrefour de la vie des quartiers et des villages, on y apprend les dernières nouvelles et on partage ses opinions : il est le garant de la culture locale, très masculine pour le coup.

Les cafés ont été des lieux fondateurs de la conscience de groupe (nombre de syndicats, partis politiques, associations y ont été créés et y avaient leur adresse). Néanmoins, la transformation de la société démarrée dans les années 1970 a un peu sonné le glas de leur statut.

Avec les mines et les usines qui ferment, la mécanisation de l’industrie et de l’agriculture, c’est toute une clientèle d’inconditionnels habitués qui s’en va et il faut se réinventer, proposer autre chose. Beaucoup de troquets ont alors fermé leurs portes. Alors que chaque village avait les siens, beaucoup en deviennent dépourvus.

Des verres à prix fixe

La création de l’Horesca en septembre 1970 répond justement à ce nouveau contexte. En réunissant le Syndicat des aubergistes et cafetiers organisés du Grand-Duché de Luxembourg (Sacol), qui a aussi créé l’École hôtelière de Diekirch et la Société de la Foire, ancêtre de Luxexpo, l’Hocarel (un groupe dissident de la Sacol souhaitant une meilleure représentation des hôteliers) et l’Horest, l’Horesca pèse davantage pour défendre les intérêts de ses membres.

Les thèmes des combats menés par la fédération font figure de catalogue des questions de sociétés de son temps. En 1944, l’Office des prix avait été créé par l’État pour fixer le coût de certains produits, dont la bière à la pression, le verre de vin (selon les cépages), l’eau-de-vie ou les boissons non alcoolisées servis dans les débits de boissons et les restaurants.

Renforcé par une loi de 1961, cette entrave à la libre concurrence ulcérait nombre de cafetiers et de restaurateurs. Certains choisissaient d’ailleurs de ne pas vendre de bière à la pression, mais uniquement des bouteilles, dont le prix était libre.

Face aux politiques qui se doutaient bien qu’une hausse des prix des consommations dans les cafés serait mal vue par leurs électeurs, l’Horesca s’est démenée pour instaurer la liberté des prix. À la fin des années 1960, une journée sans vin avait même été initiée à son initiative dans tout le pays!

Une vague de fermetures après l’interdiction de fumer

La détente sur le sujet fut progressive, d’abord par l’instauration du «franc flexible», qui autorisait l’augmentation le prix de la bière d’un franc à la condition d’en avoir fait la demande à l’Office des prix, puis par la libéralisation du prix des boissons non alcoolisées, de la bière un plus tard, suivis par l’auxerrois et du riesling. Il faudra attendre 2004 et la dissolution de l’Office des prix par le ministre de l’Économie Henri Grethen pour enterrer définitivement la question.

L’Horesca s’est également plainte de la hausse du prix de l’eau en 2011 provoquée par des directives européennes. «Je peux vous assurer que, sans le travail et l’intervention de l’Horesca, la facture d’eau serait au moins le double de ce que vous payez aujourd’hui» avance François Koepp, secrétaire général de l’Horesca.

L’interdiction de fumer, une très bonne chose sur le plan de la santé publique, a également été vécue avec difficulté par le secteur. Promulguée le 5 septembre 2006 dans les restaurants et pendant les heures de repas dans les débits de boissons qui offraient à manger (12 h-14 h et 19 h-21 h), elle s’est également appliquée aux bars le 1er janvier 2014.

«Les cafés ont énormément souffert de cette mesure et une vague de fermetures s’est ensuivie», souligne François Koepp. «Heureusement, les terrasses n’étaient pas incluses et l’installation d’un fumoir était possible grâce à nos efforts», ajoute-t-il.

En 2015, le passage de la TVA de 3 % à 17 % sur les boissons alcoolisées n’a pas été non plus une bonne nouvelle pour le secteur. «Grâce à nos efforts et à nos entrevues avec les responsables du gouvernement, nous avons su défendre le maintien du taux de 3 % de TVA sur les repas, les boissons non alcoolisées et l’hébergement», relève le secrétaire général.

Covid et Airbnb

Aujourd’hui, les sources d’inquiétude ne manquent pas. Outre le covid, qui a coûté cher aux exploitants et aux employés, d’autres luttes restent à mener.

«Nous nous engageons à combattre la position dominante des plateformes et des sites de réservation qui ne sont rien d’autres que des vautours qui volent au-dessus de nos entreprises pour grignoter fortement nos marges avec des commissions de 15 % à 25% du prix de vente», lance François Koepp, qui se félicite toutefois du soutien des autorités nationales et européennes. «Les dernières évolutions en Europe ont déjà freiné un peu l’agissement des plateformes de réservation quant à la parité des prix.»

L’Horesca ne risque pas de manquer de travail à l’avenir et, finalement, c’est plutôt bon signe : cela signifie que ce secteur qui pèse environ 6 % du PIB est bien en vie. Malgré les difficultés liées au covid ou à l’inflation, les clients reviennent passer du bon temps dans ces établissements qui leur ont manqué. De quoi se requinquer avant les nouvelles batailles à mener!

Le livre du 50e anniversaire de l’Horesca est consultable gratuitement sur le site www.horesca.lu, rubrique «Formulaires et publications».

Le covid, «la plus grande crise depuis la Seconde Guerre mondiale»

Créé en 1970, l’Horesca aurait dû fêter son cinquantenaire il y a deux ans mais le covid a remis en cause ce calendrier. Finalement, c’est le 14 juin dernier que la réception a pu être organisée en compagnie du Grand-Duc.

Ce contretemps est évidemment d’une importance minime par rapport au choc qu’aura provoqué la pandémie pour les 3 000 entreprises et les 20 000 salariés du secteur qui ont dû fermer leurs portes à deux reprises et subir des restrictions légitimes mais difficiles à tenir sur le plan économique.

«Au début, les mécanismes d’aides en faveur des entreprises étaient insuffisants, relève le secrétaire général de l’Horesca, François Koepp. Nous avons tout mis en œuvre pour rapidement obtenir un mécanisme d’aides adapté aux besoins des entreprises pendant la crise sanitaire. L’idée de l’aide à la relance venait de l’Horesca, tandis que l’aide aux coûts non couverts a été inspirée d’une initiative germano-autrichienne et introduite au Luxembourg grâce aux efforts conjoints de notre association, de la Chambre de commerce et naturellement de la Direction générale des classes moyennes du ministère de l’Économie.»

On notera par ailleurs que l’Horesca se félicite de la bonne collaboration avec le ministre de l’Économie : «Lex Delles a défendu l’idée d’aides renforcées pour le secteur auprès du Conseil de gouvernement et a toujours défendu les intérêts de notre secteur.»

Tony Tintinger :
«Deux Humpen et une Drëpp par travailleur»

Tony Tintinger est une toque qui pèse au Grand-Duché. Né en 1944 à Pétange mais differdangeois et fier de l’être, il a d’abord tenu un bistrot à Esch (où son célèbre croque-monsieur est devenu légendaire) avant de se lancer dans la grande gastronomie.

Un parcours qui l’a mené jusqu’à la création du restaurant Clairefontaine, à Luxembourg, en 1985. Il laissera sa place au chef actuel Arnaud Magnier en 2000, avec une étoile Michelin et un 17/20 au Gault & Millau au compteur.

Dans le livre de l’Horesca, celui qui a longtemps été considéré comme le meilleur chef luxembourgeois en exercice se remémore ses débuts eschois dans les années 1970, lorsque les ouvriers de la sidérurgie étaient ses clients : «Je me rappelle que je vendais le Humpen (NDLR : le verre de bière) avec une Drëpp (NDLR : une eau-de-vie) au prix de 10 francs. Chez nous, dans le bassin minier, on avait une spécificité pour les salariés de l’ARBED. En fait, on vendait le Humpen allongé de 1 décilitre de contenance, on passait donc de 0,4 à 0,5 litre, mais au même prix, c’était une obligation. Au début et à la fin de la journée de travail, lors de la relève des postes, sur les comptoirs des bistrots étaient alignées deux Humpen et une Drëpp par travailleur. D’ailleurs, ils avaient toujours la même place au comptoir. Si, un jour, l’un d’entre eux n’était pas présent, c’est le voisin qui buvait les consommations. Ils payaient à la fin du mois. On achetait les alcools en bonbonnes de 25 l. Comme vous voyez, les bistrots fonctionnaient bien à l’époque!»

 

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