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Fairtrade : passer du colonialisme au commerce équitable


Colonialisme, production de café et impact du système Fairtrade étaient au cœur de la conférence d’hier. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Partenaire de l’exposition «Le passé colonial du Luxembourg», Fairtrade met en lumière l’impact du commerce équitable sur les producteurs de café congolais.

L’exposition «Le passé colonial du Luxembourg» ouverte depuis le 8 avril au musée national d’Histoire et d’Art met en lumière un sujet peu connu au Grand-Duché. Si le pays n’a jamais exercé d’autorité politique sur un territoire ou une population hors d’Europe, des Luxembourgeois sont partis vivre dans des colonies d’autres pays.

Ainsi, dès 1922, ils possédaient un statut égal à celui des Belges au Congo et ont participé à tous les aspects du colonialisme dans ce pays. À la fin de l’époque coloniale, 600 Luxembourgeois y vivaient toujours.

Partenaire de l’exposition, Fairtrade Lëtzebuerg a permis, notamment, de recueillir le témoignage d’un Congolais ayant vécu cette époque. Avec l’exemple de la production de café, le président de l’ONG, Jean-Louis Zeien, revient sur cette collaboration avec le musée et sur l’impact du commerce équitable pour les populations au Congo.

Pourquoi est-ce important pour Fairtrade d’être associé à cette exposition?

Jean-Louis Zeien, président de Fairtrade Lëtzebuerg : On a immédiatement dit oui, car au cœur du commerce équitable se trouve la lutte contre les inégalités. Il est clair que ces inégalités ne tombent pas du ciel. Elles ont des racines et ces racines, il faut les chercher dans la colonisation et dans le racisme. Le Luxembourg n’échappe pas à ces réalités. Le pays n’a pas eu de colonies, mais possède un passé colonial. L’utilisation de produits coloniaux, comme le café, nous ramène à ces inégalités, à ces injustices. Pour Fairtrade, ce partenariat est quelque chose d’absolument normal et inhérent à notre lutte pour un monde avec un commerce plus juste. Nous sommes heureux de voir que les témoignages que vous allez retrouver dans l’exposition viennent de partenaires du commerce équitable. Toute une partie de la population congolaise est, aujourd’hui, toujours imprégnée par l’esprit qui a régné en ces temps-là. Nous voulons briser cette emprise sur les anciennes colonies et sur notre manière de consommer. Le commerce équitable doit devenir la norme.

Aujourd’hui, une tasse de café bue au Luxembourg sur dix vient du commerce équitable

La population luxembourgeoise est-elle sensible au commerce équitable?

Nous fêtons en 2022 notre trentième anniversaire. Nous avons fait un bon bout de chemin. Je me rappelle que les premières fois où nous avons parlé avec un gérant du fait d’introduire notre café, il nous pensait fous. Aujourd’hui, une tasse de café bue au Luxembourg sur dix vient du commerce équitable. Nous en sommes fiers, mais ce qui nous préoccupe, ce sont les 90 % qui ne le sont pas. Je rejoins à 100 % l’appel lancé par le président de la coopérative congolaise (voir encadré). Il demande que les gens consomment leurs produits. Les Luxembourgeois y sont sensibles. Je crois que le consommateur doit se rendre compte qu’il a un pouvoir d’achat. Il doit prendre ce pouvoir au sérieux. 

Concrètement, comment le commerce équitable aide-t-il les populations au Congo?

On vient d’un modèle colonial de monocultures avec des plantations énormes. Aujourd’hui, de petits producteurs se regroupent en coopératives qui, dans un esprit communautaire, font la différence. Grâce au système du commerce équitable, ils ont accès à des prix rémunérateurs, à des préfinancements… Le commerce équitable a également permis de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes au Congo. Aujourd’hui, parmi les 13 000 membres de la coopérative, un tiers sont des femmes, alors qu’auparavant les femmes n’avaient pas même le droit à la parole. On voit, via ces quelques exemples, quelle dynamique le commerce équitable a contribué à développer en collaboration avec la coopérative et ses membres. Ces exemples nous montrent d’où l’on vient et vers quel avenir nous devons aller. 

Un café pour la paix

«C’est horrible! Les colons ont tué des millions de personnes. Ils nous appelaient « singes ». Aujourd’hui, nous devons avancer sans oublier notre passé.» Le sujet de la colonisation crée de vives émotions chez Joachim Munganga dont les parents ont subi cette époque.

Le président et fondateur de la coopérative de café congolaise était présent lors de la conférence de presse d’hier. Créée en 2003, la Solidarité paysanne pour la Promotion des Actions café et développement intégral (Sopacdi) regroupe aujourd’hui plus de 13 000 agriculteurs provenant de différents groupes ethniques de la région du Kivu, au nord-est du Congo.

Il explique que ce projet soutenu par Fairtrade Lëtzebuerg a «assuré la réunification ethnique de la région après les guerres ethniques, a créé de l’emploi, a permis aux femmes de prendre une place importante dans la société et a découragé l’exode rural chez les jeunes».

Lors de sa prise de parole, le président de la Sopacdi a tenu à lancer un appel pour que «tout le monde choisisse ce café, car il permet aux producteurs de mieux produire et assure la paix dans la région».

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