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Évasion fiscale : la Commission balaie les accusations « réchauffées » contre Juncker


"Pendant les vacances de Noël, des gens ont tendance à réchauffer leur soupe froide", a ironisé le porte-parole de la Commission européenne. (photo AFP)

La Commission européenne a qualifié mardi de « réchauffées » les accusations du quotidien britannique The Guardian contre son président Jean-Claude Juncker, selon lesquelles il aurait entravé la lutte de l’UE contre l’évasion fiscale quand il était Premier ministre du Luxembourg (1995-2013).

« Pendant les vacances de Noël (…) période traditionnellement faible en actualité, des gens ont tendance à réchauffer leur soupe froide », a ironisé lors de la conférence de presse quotidienne le porte-parole de la Commission, Margaritis Schinas.

« Ils ont tendance à ignorer l’intensité et le succès de notre travail sous la Commission Juncker pour lutter contre l’évasion fiscale », a-t-il ajouté, estimant que le président de la Commission, déjà ébranlé dans le passé par le scandale « LuxLeaks », avait toujours été « totalement transparent sur ces questions ».

Le Guardian affirme dans un article paru dimanche qu’en tant que Premier ministre du Luxembourg, M. Juncker a « passé des années » à « bloquer secrètement les efforts de l’UE pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales ». Le quotidien s’appuie sur des « câbles diplomatiques allemands » partagées par la radio régionale allemande NDR avec le consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ).

Ces documents –non publiés– relatent les travaux du Groupe « Code de conduite (fiscalité des entreprises) », créé en 1998 par les Etats membres afin de faciliter leur collaboration en la matière. Selon le journal, quelques-uns des « plus petits membres de l’UE, fréquemment emmenés par le Luxembourg », ont « régulièrement retardé, dilué ou fait dérailler » les efforts de ce groupe contre l’évasion fiscale.

« Lutte active et sans précédent »

En novembre 2014, le scandale « LuxLeaks » avait déjà terni l’entrée en fonction de Jean-Claude Juncker comme président de la Commission. Les documents divulgués avaient mis en lumière un système d’évasion fiscale à grande échelle et particulièrement le rôle joué par le Luxembourg, à une époque où M. Juncker était à la fois Premier ministre et ministre des Finances.

« Je ne suis pas l’architecte » du système, « mais je suis politiquement responsable », avait concédé l’intéressé, qui avait dû s’expliquer devant le Parlement européen.

« Vous, ici, avez été témoins de cette lutte active et sans précédent contre l’évasion fiscale sous cette Commission », a lancé mardi le porte-parole de la Commission aux journalistes, citant la commissaire à la Concurrence Margrethe Vestager, qui a sommé fin août l’Irlande de récupérer auprès d’Apple 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux indus.

Il a aussi évoqué le commissaire à la Fiscalité, Pierre Moscovici, dont l’une des propositions est entrée en vigueur le 1er janvier: les États membres sont désormais tenus d’échanger automatiquement « des informations » sur les décisions fiscales transfrontalières (ou rescrits fiscaux) délivrées par leurs soins aux multinationales, qui seront intégrées dans une base de données centrale.

Pour Juncker, il s’agit de vite évoquer le présent et l’avenir pour mieux fuir ses responsabilités passées. Ce déni ne doit pas faire oublier que les documents cités par le Guardian sont également très éclairants sur le présent : ils révèlent que le Grand-Duché continuerait à freiner à tout-va au sein de ce même groupe « Code de conduite ». Le Luxembourg aurait ainsi récemment mis son veto à l’abandon de la règle de l’unanimité dans la prise de décisions, et s’opposerait à toute publication des discussions au sein du comité.

Les hommes politiques ont changé, mais leur schizophrénie semble bel et bien perdurer.

Le Quotidien avec AFP

« Juncker, c’est Docteur Jekyll et Mister Hyde »

Denis Robert, auteur, réalisateur et journaliste, un des premiers à dénoncer le rôle du paradis fiscal luxembourgeois dans les opérations de blanchiment, commente ces révélations : « C’est Docteur Jekyll et Mister Hyde. Il porte, comme le Luxembourg, un discours public de transparence, de réforme de la fiscalité et, en privé, redevient l’homme des multinationales », analyse-t-il auprès de nos confrères du Républicain lorrain.

Comme d’autres, il se rappelle comment le petit Luxembourg (543 000 habitants), exsangue industriellement, est devenu en trois décennies une place forte de l’industrie bancaire mondiale.

« Juncker a fait le strict minimum »

Cité par le Républicain lorrain, le député belge Philippe Lamberts (Écolo/Les Verts) est en pointe sur la lutte contre l’évasion fiscale en Europe : « Ces révélations sont une clarification. Qui peut croire que celui qui a été pendant 25 ans ministre des Finances, de l’Économie puis premier ministre du Luxembourg, peut ignorer par quels moyens un micro-pays agricole et industriel est devenu un tel paradis fiscal ? Avec l’Autriche, le Grand-Duché a traîné les pieds sur la levée du secret bancaire et Juncker, à Bruxelles, a fait le strict minimum ».

Sylvain Collin (syndicat CFDT-Finances) n’est pas surpris non plus par ces critiques visant Jean-Claude Juncker, mais dénonce « la concurrence fiscale dans une Europe insuffisamment fédérale. Chaque pays joue sa partie. En Lorraine, on sait bien combien d’emplois le Luxembourg représente dans le secteur bancaire. On l’a vu aussi lorsque l’Irlande a refusé de récupérer la dette fiscale que lui devait Apple. L’enjeu, c’est l’emploi.»

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